Cour d’appel administrative de Lyon, le 13 février 2025, n°23LY03661

La Cour administrative d’appel de Lyon, par une décision du 13 février 2025, statue sur les conditions de l’admission exceptionnelle au séjour des étrangers. Deux ressortissants macédoniens, présents en France depuis 2013 malgré plusieurs mesures d’éloignement restées infructueuses, ont sollicité la régularisation de leur situation administrative. Le préfet a opposé un refus, assorti d’une obligation de quitter le territoire français et d’une interdiction de retour pendant une durée d’un an. Saisi de cette contestation, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes des requérants par deux jugements rendus le 17 août 2023. Les intéressés ont alors interjeté appel, invoquant notamment une irrégularité procédurale et une méconnaissance de leur droit au respect de la vie privée. La question posée aux juges d’appel concerne la portée de l’obligation de consultation de la commission du titre de séjour et les critères de l’admission humanitaire. La juridiction rejette la requête en considérant que la situation des demandeurs ne présentait aucun caractère exceptionnel susceptible de justifier une dérogation aux règles générales. Ce commentaire examinera d’abord la rigueur des critères d’admission exceptionnelle avant d’analyser la primauté de la légalité administrative sur les attaches personnelles et familiales.

I. La rigueur des critères d’admission exceptionnelle au séjour

La Cour administrative d’appel de Lyon rappelle fermement les exigences posées par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle structure son raisonnement autour de la définition matérielle des motifs exceptionnels tout en précisant les contours des obligations procédurales incombant à l’administration.

A. L’appréciation restrictive des motifs humanitaires et exceptionnels

Le juge administratif s’appuie sur les dispositions législatives prévoyant que l’admission au séjour peut répondre à des « considérations humanitaires » ou se justifier par des « motifs exceptionnels ». En l’espèce, les requérants mettaient en avant une présence sur le sol français de douze années ainsi qu’une promesse d’embauche pour l’un d’eux. La Cour écarte ces arguments en soulignant que la durée de présence « n’a été acquise qu’au prix de leur maintien irrégulier sur le territoire et en dépit de mesures d’éloignement ». Cette position souligne que l’ancienneté du séjour, lorsqu’elle résulte d’une soustraction volontaire aux décisions administratives antérieures, ne saurait fonder un droit à la régularisation. Les juges considèrent que les efforts d’insertion professionnelle, tels que la préparation d’un diplôme, ne constituent pas des circonstances suffisantes au sens de la loi. Cette lecture restrictive préserve le pouvoir discrétionnaire du préfet tout en limitant les effets de fait d’une présence prolongée mais illégale.

B. L’absence d’obligation de consultation de la commission du titre de séjour

Le débat portait également sur l’irrégularité du jugement de première instance qui n’avait pas expressément répondu au moyen tiré du défaut de saisine de l’instance collégiale. La Cour d’appel précise que le préfet n’est tenu de consulter cette commission que pour les étrangers remplissant « effectivement les conditions » fixées par le code. Elle en conclut que le moyen était inopérant puisque les requérants ne justifiaient d’aucun motif rendant leur admission au séjour humanitaire obligatoire pour l’administration. Dès lors, le tribunal n’était pas tenu d’écarter explicitement une argumentation dépourvue d’influence sur l’issue du litige, sans pour autant entacher sa décision d’irrégularité. Cette interprétation simplifie la procédure administrative en évitant une multiplication inutile des formalités pour des dossiers ne présentant pas de garanties sérieuses d’éligibilité. La solution retenue par la juridiction lyonnaise confirme ainsi que le droit à la consultation reste subordonné à l’existence préalable d’un droit potentiel au titre de séjour.

II. La prévalence de la politique migratoire sur les attaches personnelles

L’arrêt s’attache ensuite à concilier les impératifs de contrôle des flux migratoires avec la protection des droits fondamentaux garantis par les conventions internationales. Le juge opère un contrôle de proportionnalité classique mais rigoureux, plaçant la responsabilité parentale au centre de l’analyse du droit à la vie familiale.

A. L’insuffisance de l’intégration professionnelle et de la scolarisation

La Cour administrative d’appel refuse de voir dans la scolarité des enfants mineurs une circonstance humanitaire justifiant une dérogation aux règles générales de séjour. Elle relève que les décisions contestées n’entraînent « aucune séparation familiale » puisque l’ensemble des membres de la cellule familiale peut se maintenir ou retourner ensemble à l’étranger. Les juges soulignent qu’il n’existe aucun obstacle concret à la poursuite de la scolarisation dans le pays d’origine, en l’occurrence la République de Macédoine du Nord. Cette approche minimaliste de l’intégration sociale tend à démontrer que le système éducatif français ne crée pas un ancrage irréversible pour les familles en situation irrégulière. La simple présence d’enfants scolarisés ne suffit donc pas à neutraliser les effets d’une obligation de quitter le territoire français prise par l’autorité préfectorale. L’administration conserve une marge de manœuvre importante pour apprécier si les liens tissés en France dépassent le cadre normal de la vie quotidienne.

B. La compatibilité de la mesure d’éloignement avec l’intérêt supérieur de l’enfant

Enfin, l’arrêt examine la conformité de la situation au regard de la convention internationale des droits de l’enfant qui érige son intérêt supérieur en « considération primordiale ». La juridiction considère que ces stipulations n’impliquent nullement que l’éducation doive se dérouler exclusivement sur le territoire français, à moins d’un danger ou d’un empêchement majeur. Elle estime que la mère peut continuer de pourvoir aux besoins « affectifs, matériels et éducatifs » de sa progéniture au sein de son pays de nationalité. Par ce raisonnement, le juge administratif rappelle que l’intérêt de l’enfant est d’abord de vivre auprès de ses parents, quel que soit le lieu de résidence. La décision de la Cour d’appel de Lyon confirme ainsi une jurisprudence constante privilégiant l’unité de la famille dans le pays d’origine sur le confort éducatif en France. Ce rejet définitif de la requête clôt un long contentieux en validant la fermeté de l’administration face à des stratégies de maintien prolongé sur le territoire national.

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Hassan KOHEN
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