La Cour administrative d’appel de Lyon, le 17 avril 2025, a rejeté le recours d’un ministre contre l’annulation d’un refus de protection fonctionnelle. Un inspecteur du travail stagiaire sollicitait cette mesure suite à une prolongation de stage qu’il jugeait fondée sur son appartenance syndicale déclarée. Le tribunal administratif de Grenoble avait, le 22 décembre 2023, fait droit à sa demande d’annulation de la décision implicite de rejet ministérielle.
Le litige porte sur la légalité du refus d’accorder la protection fonctionnelle à un agent public alléguant des faits de discrimination syndicale caractérisés. L’administration soutenait en appel que les éléments de fait ne permettaient pas de supposer l’existence d’un traitement discriminatoire lors de l’évaluation du stage. La juridiction d’appel devait donc déterminer si la présomption de discrimination était constituée et si l’administration apportait la preuve contraire pour justifier son refus. La Cour confirme l’annulation de la décision ministérielle en retenant une erreur d’appréciation manifeste quant à la réalité des agissements dénoncés par l’agent.
I. La caractérisation d’une présomption de discrimination syndicale
A. L’objectivation des faits par des éléments concordants
Le juge administratif rappelle qu’il appartient à l’agent de soumettre des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’une discrimination interdite. En l’espèce, le livret de stage de l’intéressé mentionnait une réserve sur son assiduité alors que ses absences correspondaient principalement à des jours de grève. L’arrêt souligne que « le livret de stage de l’intéressé comporte comme seule appréciation littérale une réserve du directeur » relative à la poursuite du perfectionnement nécessaire. Un rapport d’un organisme spécialisé a démontré que d’autres stagiaires, ayant davantage d’absences, n’avaient pourtant pas fait l’objet de telles remarques négatives. Ces constatations factuelles précises permettent d’établir un traitement différencié fondé potentiellement sur l’exercice du droit de grève ou sur les opinions syndicales. La Cour considère ainsi que « les éléments produits (…) sont, par suite, de nature à faire présumer l’existence d’une telle discrimination ».
B. Le défaut de justification de la mesure par l’administration
Une fois la présomption établie, la charge de la preuve bascule sur l’administration qui doit démontrer que ses décisions reposent sur des motifs objectifs. Dans cette affaire, l’autorité ministérielle s’est bornée à affirmer le caractère non discriminatoire de la décision du jury sans justifier les mentions litigieuses. L’arrêt précise que l’administration « ne justifie nullement que les mentions portées par le directeur (…) seraient motivées par des considérations étrangères à son activité syndicale ». L’absence de production des livrets individuels des autres stagiaires par l’administration a également pesé dans l’appréciation souveraine des juges du fond. Ce silence de la puissance publique empêche de renverser la présomption de discrimination syndicale initialement posée par les pièces du dossier. L’inexistence de justifications objectives étrangères à tout critère prohibé rend dès lors illégal le refus de protection fonctionnelle opposé à l’agent.
II. L’affirmation de l’obligation de protection fonctionnelle
A. Une protection impérative face aux agissements discriminatoires
La loi du 13 juillet 1983 prévoit que « aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions syndicales ». Cette protection constitue une garantie fondamentale pour les agents publics contre les pressions hiérarchiques liées à leur engagement ou à leurs actions collectives. La Cour réaffirme que la collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les attaques ou agissements constitutifs de harcèlement dont il est victime. Cette obligation légale « a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l’agent est exposé, mais aussi d’assurer une réparation ». Elle ne peut être écartée par l’administration que pour des motifs d’intérêt général ou en cas de faute personnelle de l’agent public. En l’absence de tels motifs, le refus de l’administration méconnaît les dispositions protectrices qui régissent la carrière des agents de la fonction publique.
B. L’exercice d’un contrôle normal sur l’erreur d’appréciation
Le contrôle du juge sur l’octroi de la protection fonctionnelle s’exerce ici par la vérification de l’absence d’erreur d’appréciation dans l’analyse des faits. La juridiction d’appel valide le raisonnement des premiers juges en confirmant que la décision de rejet était entachée d’une erreur manifeste de qualification. Puisque les faits laissaient présumer une discrimination syndicale non combattue par l’administration, le bénéfice de la protection fonctionnelle devait impérativement être accordé. La Cour rejette donc la requête ministérielle et confirme l’injonction faite à l’administration d’octroyer cette protection pour permettre à l’agent de se défendre. Cette solution renforce la sécurité juridique des agents stagiaires face aux dérives possibles des évaluations durant les périodes probatoires de formation initiale. L’arrêt souligne la vigilance constante du juge administratif envers le respect effectif du principe de non-discrimination au sein de la fonction publique.