La cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 20 février 2025, précise le régime juridique applicable au recouvrement des intérêts de retard. Une société de négoce de vins a subi une vérification de comptabilité entraînant des compléments d’impôt sur les sociétés pour les exercices clos entre 2013 et 2015.
Après un premier avis de mise en recouvrement en 2017, l’administration a réclamé des intérêts complémentaires par un second titre émis en septembre 2023. Le tribunal administratif de Dijon ayant rejeté sa demande de décharge, le contribuable soutient devant le juge d’appel l’irrégularité de l’acte et la prescription.
La juridiction doit déterminer si l’absence de mentions détaillées sur les modalités de calcul et le délai de reprise font obstacle à ce recouvrement tardif. Les juges considèrent que les références aux documents antérieurs suffisent à l’information du redevable et que le délai de reprise ne s’applique pas ici.
La régularité formelle de l’avis de mise en recouvrement (I) conditionne la validité de la procédure avant l’examen du régime de prescription des intérêts accessoires (II).
I. La régularité formelle de l’avis de mise en recouvrement des intérêts
A. La validité par référence aux documents de la procédure
Le juge administratif rappelle que l’avis de mise en recouvrement doit indiquer le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard réclamés. En l’espèce, l’acte mentionnait précisément la créance d’intérêts de 10 172 euros tout en précisant la période d’imposition et la base de calcul. La cour souligne que l’administration peut valablement faire référence à la proposition de rectification initiale pour satisfaire aux exigences d’information prévues par les textes. L’arrêt relève que « l’avis de mise en recouvrement du 15 septembre 2023 vise une créance » correspondant à la cotisation d’impôt déjà réclamée au contribuable.
L’identification précise des créances par référence aux actes initiaux permet alors d’écarter toute exigence de motivation technique supplémentaire concernant la liquidation des intérêts.
B. L’absence d’obligation d’information sur les modalités de calcul
Le contribuable critiquait l’absence d’indication précise concernant le calcul des intérêts de retard complémentaires dans la proposition de rectification et dans l’avis contesté. Toutefois, le juge estime qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose au comptable public de détailler ces modalités techniques de liquidation dans l’acte de recouvrement. La décision énonce qu’il « ne résulte ni des dispositions de l’article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, ni d’aucun autre texte » une telle obligation. Cette solution préserve l’efficacité de la procédure de recouvrement des intérêts dont le calcul découle mécaniquement des dispositions de l’article 1727 du code général.
Si la régularité formelle de l’acte est acquise, la contestation du recouvrement des intérêts se déplace alors sur le terrain de la prescription de la créance.
II. Le régime de prescription des intérêts de retard accessoires
A. L’inapplicabilité du délai de reprise de l’impôt en principal
Le second moyen invoqué par la société requérante portait sur la prescription de la créance d’intérêts, en invoquant le délai triennal de reprise fiscale. L’article L. 169 du livre des procédures fiscales limite l’action de l’administration pour l’établissement de l’impôt à la fin de la troisième année suivante. La cour écarte ce moyen en jugeant que « le contribuable ne peut utilement se prévaloir du délai de reprise » pour contester des intérêts mis en recouvrement. Ce délai concerne exclusivement l’établissement de l’assiette et des droits en principal, et non les accessoires de la dette fiscale liquidés après paiement intégral.
Le rejet du délai de reprise repose sur une distinction fondamentale entre l’action en établissement de l’impôt et la liquidation de ses accessoires financiers.
B. Une distinction entre établissement de l’impôt et liquidation des accessoires
La juridiction lyonnaise consacre une distinction nette entre le droit de reprise, qui s’éteint par la prescription de l’action en établissement, et la liquidation des intérêts. L’intérêt de retard, n’ayant pas la nature d’une sanction, constitue le prix de la disposition d’une somme d’argent qui aurait dû être versée. Dès lors que les droits en principal ont été régulièrement établis et mis en recouvrement avant l’expiration du délai, les intérêts courent légalement. La cour valide donc la pratique consistant à émettre un titre de perception complémentaire pour les intérêts arrêtés au jour du paiement effectif des droits.