La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 29 janvier 2025, examine l’assujettissement à la taxe sur les salaires des rémunérations d’un dirigeant. Une société holding, percevant des produits financiers et facturant des prestations à ses filiales, a contesté l’inclusion du salaire de son directeur général dans l’assiette imposable. Le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté sa demande de décharge par un jugement du 25 juillet 2023, conduisant la contribuable à interjeter appel devant la cour. La société requérante soutient que son directeur général exerce exclusivement des missions opérationnelles relevant du secteur d’activité intégralement soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Le litige porte sur l’application de l’article 231 du code général des impôts relatif à la répartition des rémunérations entre les secteurs d’une entreprise. Il convient de déterminer si les fonctions de direction d’une société par actions simplifiée emportent une présomption de transversalité incluant la gestion du secteur financier. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en retenant que la preuve d’une affectation sectorielle exclusive n’est pas rapportée par l’appelante. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la présomption de transversalité attachée aux fonctions directoriales (I) avant d’envisager la rigueur probatoire nécessaire pour écarter l’imposition (II).
I. La présomption de transversalité des fonctions de direction
A. L’attribution d’une responsabilité de gestion globale
Les fonctions de direction au sein d’une société par actions simplifiée confèrent par nature aux titulaires une compétence générale pour conduire les affaires sociales. La Cour rappelle que le président et le directeur général « sont investis d’une responsabilité générale » en vertu des dispositions applicables du code de commerce. Cette qualification juridique implique que les dirigeants disposent des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société dans toutes les circonstances. Par suite, leurs interventions ne peuvent être limitées par principe à une seule branche d’activité sans une preuve contraire formelle et incontestable. La rémunération de ces mandataires sociaux est donc présumée rémunérer l’intégralité de leurs responsabilités de supervision et de représentation de la structure morale.
B. L’inclusion nécessaire des activités financières de la holding
Cette responsabilité générale trouve une application spécifique dans les sociétés holdings où les activités financières constituent une part essentielle de l’objet social. La juridiction précise que « ces pouvoirs s’étendent en principe au secteur financier » même si les opérations techniques sont confiées à des tiers ou des subordonnés. La circonstance que le nombre d’opérations financières soit particulièrement faible ou que le suivi soit automatisé ne suffit pas à exclure la responsabilité décisionnelle. Le dirigeant conserve la haute main sur la gestion des participations et sur les flux de trésorerie qui caractérisent la vie économique de la holding. Cette mission de supervision financière justifie alors l’application du rapport d’assujettissement général de l’entreprise à l’ensemble de la rémunération versée au mandataire.
II. La rigueur de la preuve d’une affectation sectorielle
A. L’inefficacité des règlements de répartition interne des tâches
La société appelante tentait de renverser la présomption de transversalité en produisant un règlement intérieur organisant une répartition technique des fonctions entre les associés. La Cour juge toutefois que cette organisation de fait « ne peut être regardée comme privant juridiquement » le directeur général de ses prérogatives de contrôle. Une simple note de service ou un organigramme fonctionnel ne saurait primer sur les pouvoirs légaux et statutaires attachés à la qualité de dirigeant social. La distinction entre les tâches quotidiennes et les pouvoirs de décision demeure fondamentale pour l’administration fiscale lors de la détermination de l’assiette. Seule une limitation juridique claire et opposable aux tiers pourrait éventuellement permettre de sectoriser la rémunération d’un mandataire social de premier rang.
B. La force probante des prérogatives statutaires et effectives
La solution de la Cour repose sur la prééminence des statuts qui prévoyaient que le directeur général participe activement à la gestion des affaires sociales. Le juge relève que l’intéressé « devra donner son accord pour tout investissement supérieur à 100 000 euros », confirmant ainsi son implication dans les choix financiers. En outre, la signature effective de contrats de travail pour le personnel comptable atteste d’une autorité s’exerçant sur des fonctions par nature transversales au sein de l’entreprise. Ces éléments matériels et juridiques démontrent que le dirigeant n’était nullement « dépourvu de tout contrôle et responsabilité » en matière financière durant l’exercice concerné. Dès lors, le caractère concurrent de l’affectation aux différents secteurs d’activité impose l’inclusion de la totalité des salaires dans la base de la taxe.