Cour d’appel administrative de Lyon, le 30 avril 2025, n°24LY00791

La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 30 avril 2025, précise le régime de protection des étrangers sollicitant l’asile contre l’éloignement. Un ressortissant étranger a été interpellé par les services de police avant de faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai. L’intéressé a introduit un recours devant le tribunal administratif de Grenoble pour obtenir l’annulation de cet arrêté préfectoral en invoquant sa qualité de demandeur d’asile. Par un jugement rendu le 22 février 2024, le magistrat désigné de cette juridiction a rejeté l’ensemble des conclusions présentées par le requérant. Ce dernier a alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Lyon afin de contester la légalité de la mesure d’éloignement au regard du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Le litige pose la question de savoir si l’administration peut valablement ordonner l’éloignement d’un étranger dont la demande d’asile est encore en cours d’examen. Le juge administratif considère que le droit au maintien sur le territoire fait obstacle à toute mesure d’éloignement tant que l’office compétent n’a pas statué. L’analyse portera sur l’affirmation du droit au maintien sur le territoire (I), avant d’étudier la sanction de l’illégalité de la mesure d’éloignement prématurée (II).

I. L’affirmation du droit au maintien sur le territoire du demandeur d’asile

L’examen des pièces du dossier permet d’établir que le requérant possédait la qualité de demandeur d’asile au jour de son interpellation par la police.

A. L’antériorité établie de la demande de protection internationale

Une attestation de demande d’asile avait été délivrée plusieurs mois avant l’édiction de la mesure d’éloignement litigieuse par l’autorité préfectorale compétente. Bien que ce document fût arrivé à expiration peu avant l’arrêté, une procédure de renouvellement était manifestement engagée par le ressortissant étranger. L’administration disposait d’éléments confirmant l’envoi d’une convocation pour se présenter au guichet unique afin de finaliser les démarches administratives nécessaires. La cour souligne que « la demande d’asile était toujours en cours d’examen auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides ». Cette constatation factuelle prive la mesure d’éloignement de son fondement juridique initial puisque la procédure d’asile n’était pas encore close. L’existence de cette demande en cours d’instruction confère à l’intéressé un statut protecteur dont les effets juridiques sont strictement définis par le législateur.

B. Le caractère suspensif de l’examen de la demande par l’office compétent

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit le maintien des demandeurs durant l’instruction de leur requête. En vertu de l’article L. 542-2, le droit de se maintenir sur le territoire ne prend fin qu’à la notification d’une décision de clôture. En l’espèce, la décision de clôture de l’office national n’est intervenue que plusieurs mois après la signature de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire. Le juge d’appel rappelle que l’étranger bénéficie d’une autorisation provisoire de séjour renouvelable tant que l’autorité administrative ou juridictionnelle n’a pas définitivement statué. « L’étranger bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français » dès lors que son dossier de protection est en cours d’examen. L’administration ne pouvait légalement ignorer l’existence de cette protection spécifique lors du prononcé d’une mesure d’éloignement immédiate et sans délai de grâce. Cette méconnaissance des règles relatives au séjour des demandeurs d’asile entraîne l’illégalité irrémédiable de la décision de police administrative attaquée par le requérant.

II. La sanction de l’illégalité de la mesure d’éloignement prématurée

La juridiction administrative de second degré procède à l’annulation de l’arrêté en raison de la méconnaissance des dispositions législatives protégeant les demandeurs d’une protection internationale.

A. L’annulation nécessaire de l’obligation de quitter le territoire

L’obligation de quitter le territoire et l’interdiction de retour sont jugées contraires au droit au maintien dont bénéficiait encore le ressortissant étranger concerné. La cour estime que l’intéressé « est fondé à soutenir qu’à la date de l’arrêté contesté, il bénéficiait du droit de se maintenir en France ». L’annulation du jugement de première instance découle de cette erreur de droit commise par le magistrat désigné lors de l’examen initial du dossier. Cette solution réaffirme la primauté du droit d’asile sur les mesures de police administrative lorsque les deux procédures se chevauchent sur le plan temporel. L’efficacité de la protection internationale impose que l’examen de la demande prime sur l’exécution forcée de l’éloignement du territoire national par l’administration. La portée de l’annulation se manifeste ainsi par une injonction de réexamen visant à restaurer temporairement les droits administratifs de l’intéressé.

B. La restauration temporaire de la situation administrative de l’intéressé

L’annulation de la mesure d’éloignement contraint l’autorité administrative à prendre des mesures positives pour rétablir la situation juridique du requérant sur le sol français. Le juge enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de l’étranger dans un délai déterminé de deux mois suivant la notification. Cette injonction s’accompagne de l’obligation de délivrer une autorisation provisoire de séjour afin de garantir le respect du droit au maintien durant l’instruction. L’arrêt précise qu’il « incombe au préfet de munir le requérant d’une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer à nouveau sur sa situation ». Toutefois, cette protection reste précaire puisque la situation pourra être modifiée après la notification ultérieure d’une décision définitive de l’office de protection. La portée de cette décision réside dans l’affirmation du calendrier légal que l’administration doit respecter avant toute mesure d’éloignement forcé d’un demandeur.

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Hassan KOHEN
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