Cour d’appel administrative de Lyon, le 5 juin 2025, n°24LY02380

La cour administrative d’appel de Lyon, dans sa décision du 5 juin 2025, statue sur la légalité d’une mesure d’expulsion visant un ressortissant algérien. L’intéressé, présent sur le sol national depuis 1992, conteste le rejet de son recours par le tribunal administratif de Lyon le 11 juin 2024. Il invoque notamment son état de santé mentale et l’ancienneté de son séjour en France pour s’opposer à son renvoi vers son pays d’origine. Le litige porte sur l’articulation entre les protections légales accordées aux étrangers vulnérables et l’exigence de maintien de l’ordre public national. Les juges d’appel doivent déterminer si l’administration a respecté les garanties procédurales et si la menace constituée par le requérant justifie son expulsion. La cour confirme la solution de première instance en écartant les moyens tirés du vice de procédure et de l’atteinte disproportionnée à la vie privée.

**I. L’encadrement rigoureux des protections liées à l’état de santé et à la résidence**

L’administration n’est tenue de consulter les instances médicales spécialisées que si l’étranger revendique explicitement une protection spécifique contre l’éloignement en raison de sa pathologie.

**A. Une obligation de saisine du collège de médecins strictement délimitée**

Le requérant soutenait que son expulsion était entachée d’un vice de procédure faute de saisine préalable du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. La cour administrative d’appel de Lyon rappelle que cette consultation est obligatoire seulement lorsque l’étranger sollicite le bénéfice des protections prévues par le code. En l’espèce, il ressort des pièces que l’intéressé n’a fait état de sa schizophrénie que pour « expliquer une altération du discernement » lors de ses infractions. Il ne s’est pas prévalu de son état psychiatrique pour demander une protection au titre de sa résidence habituelle en invoquant une gravité exceptionnelle. La juridiction souligne que « le préfet doit, préalablement à sa décision, recueillir l’avis du collège de médecins » uniquement si la demande est formulée en ce sens. Cette approche restreint l’automatisme de la protection médicale à une démarche volontaire et circonstanciée du ressortissant étranger concerné par la mesure.

**B. L’exclusion des périodes d’incarcération du calcul de la résidence régulière**

La protection contre l’expulsion prévue pour les étrangers résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans suppose une continuité de séjour effectif. Le requérant invoquait son entrée sur le territoire en 1992 et la détention d’un certificat de résidence pour s’opposer à la décision préfectorale. Les juges lyonnais constatent toutefois que l’intéressé a accumulé de nombreuses condamnations pénales totalisant plus de vingt-trois années d’emprisonnement ferme durant son séjour. Ils précisent alors que ces longues périodes de détention « ne peuvent être regardées comme une période de résidence régulière » au sens des dispositions législatives. Cette interprétation stricte de la notion de régularité du séjour écarte le requérant du régime protecteur réservé aux résidents de longue durée. L’analyse de la situation personnelle de l’étranger conduit ainsi la cour à vérifier si la mesure d’éloignement respecte ses droits fondamentaux.

**II. La proportionnalité de l’expulsion face à une menace caractérisée pour l’ordre public**

La gravité des agissements commis par l’intéressé et la faiblesse de ses attaches sociales justifient une ingérence de l’autorité publique dans ses droits individuels.

**A. La permanence d’une menace grave illustrée par la réitération criminelle**

Le pouvoir d’expulser un ressortissant étranger repose sur l’existence d’une menace grave pour l’ordre public que les juges doivent apprécier concrètement. Le casier judiciaire du requérant fait état de soixante-deux condamnations pour des faits de vols, de violences avec armes et de multiples infractions routières délictuelles. La cour relève que ces comportements répétés témoignent d’un ancrage persistant dans la délinquance malgré les nombreuses interventions de l’institution judiciaire durant plusieurs décennies. « Le requérant a commis de très nombreuses infractions depuis son arrivée », ce qui démontre une dangerosité incompatible avec le maintien de son droit au séjour. L’administration fonde légalement sa décision sur la nécessité de protéger la sécurité publique contre un individu dont la présence est jugée intrinsèquement déstabilisatrice. Cette menace caractérisée permet de restreindre l’exercice de son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les conventions internationales.

**B. Un contrôle de proportionnalité concluant à l’absence d’atteinte excessive**

L’examen du droit au respect de la vie privée implique de mettre en balance la gravité de la menace avec l’intensité des liens familiaux. Bien que présent en France depuis plus de trente ans, l’intéressé ne justifie pas d’une insertion sociale réelle puisqu’il est sans domicile fixe. La cour administrative d’appel de Lyon note qu’il n’établit pas entretenir de relations régulières avec ses enfants de nationalité française ou ses frères et sœurs. S’agissant de son état de santé, « le requérant ne démontre pas qu’il ne pourrait pas bénéficier effectivement en Algérie de suivis et traitements appropriés ». L’absence d’isolement total dans son pays d’origine, où réside une partie de sa fratrie, confirme la possibilité d’une réinstallation sans conséquences inhumaines. Les juges concluent qu’en édictant cette expulsion, l’autorité préfectorale n’a pas porté une atteinte disproportionnée aux buts de défense de l’ordre public. La requête est donc rejetée, confirmant ainsi la légalité de l’éloignement et le maintien de la décision de première instance.

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Hassan KOHEN
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