La Cour administrative d’appel de Lyon, par une décision du 8 avril 2025, s’est prononcée sur le droit au maintien d’avantages collectifs pour des agents contractuels. Une assistante familiale a sollicité le versement d’une prime annuelle de gratification auprès d’un département pour la période s’étendant de 2018 à 2021. L’administration ayant gardé le silence, une décision implicite de rejet est née, provoquant la saisine du tribunal administratif compétent par la requérante. Les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire par un jugement du 6 février 2024 au motif que l’antériorité de la prime n’était pas prouvée. En appel, l’intéressée soutient que le département ne conteste pas le fondement de la prime et dénonce une rupture d’égalité entre les agents. Le litige porte sur l’interprétation des conditions de maintien des avantages acquis avant l’entrée en vigueur du statut général des fonctionnaires territoriaux. La juridiction d’appel rejette la requête en confirmant que l’absence de preuve de l’antériorité de l’avantage fait obstacle à son versement régulier. L’analyse de ce litige nécessite d’aborder le strict encadrement temporel des avantages collectivement acquis (I) avant d’examiner l’inefficacité du principe d’égalité invoqué (II).
I. Le strict encadrement temporel du maintien des avantages collectivement acquis
A. L’exigence impérative d’une antériorité à la loi du 26 janvier 1984
La Cour rappelle les conditions restrictives de l’article 111 de la loi du 26 janvier 1984 relatives aux compléments de rémunération des agents territoriaux. Ce texte dérogatoire permet le maintien des avantages collectivement acquis mis en place avant la promulgation de la loi portant dispositions statutaires. Le juge souligne que « seules les primes et indemnités existant antérieurement à la promulgation de la loi du 26 janvier 1984 sont considérées comme des droits acquis ». En l’espèce, une délibération de 1985 mentionnait une gratification servie antérieurement par une association sans toutefois en établir la date exacte de création. L’impossibilité de déterminer si cet avantage était acquis avant l’entrée en vigueur de la loi interdit désormais de lui reconnaître ce caractère.
B. L’insuffisance des actes postérieurs pour fonder un droit indemnitaire
La requérante invoquait une délibération de 2004 visant l’ensemble des agents départementaux pour justifier le versement de la prime annuelle litigieuse. Toutefois, le relèvement du montant d’une prime décidé par une collectivité après 1984 ne peut conférer à lui seul le caractère de droit acquis. Cette modification tarifaire, bien que postérieure à la loi statutaire, reste dépourvue d’incidence sur le non-respect de la condition d’antériorité fixée par le législateur. La circonstance que la collectivité n’ait pas contesté le fondement de la prime ne suffit pas à suppléer l’absence de preuve matérielle probante. Le juge refuse ainsi de consacrer un avantage dont l’origine demeure incertaine au regard du calendrier législatif imposé par le statut général. L’absence de fondement légal de l’avantage revendiqué conduit la juridiction à se prononcer sur les conséquences d’une éventuelle disparité de traitement entre les agents.
II. L’inefficacité du principe d’égalité face à la reconnaissance d’un avantage indu
A. La neutralisation de la comparaison entre les catégories d’agents
L’argumentation de l’appelante reposait sur une méconnaissance du principe d’égalité puisque les assistants familiaux semblaient les seuls exclus du bénéfice de cette gratification. Le juge administratif écarte ce moyen en relevant que la différence de traitement, à la supposer établie, ne saurait prospérer dans un tel contexte. En effet, l’octroi d’une prime ne reposant sur aucune base légale valable constituerait un avantage irrégulier pour les agents qui en bénéficieraient déjà. La comparaison avec d’autres catégories de personnels devient inopérante dès lors que le droit au versement de la prime n’est pas juridiquement fondé. Le respect de la légalité l’emporte ainsi sur la volonté de corriger une disparité indemnitaire constatée entre les différents services de la collectivité.
B. La primauté de la légalité sur la rupture d’égalité alléguée
La décision confirme une jurisprudence constante selon laquelle le principe d’égalité ne peut être utilement invoqué pour réclamer le bénéfice d’une mesure illégale. La Cour affirme sans ambiguïté qu’« un tel principe ne peut justifier l’octroi d’un avantage indu », fermant ainsi la voie à toute extension contentieuse. Cette solution protège les deniers publics en interdisant la généralisation d’erreurs administratives passées qui auraient conduit au versement de primes indûment attribuées. L’appel est donc rejeté, validant le jugement de première instance qui avait refusé de faire droit aux demandes de condamnation pécuniaire formées. La neutralité de cette solution assure une application rigoureuse des textes régissant la rémunération des agents contractuels au sein de la fonction publique.