Cour d’appel administrative de Marseille, le 10 mars 2025, n°23MA01532

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 10 mars 2025, un arrêt relatif aux conditions de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée. Une société exerçant une activité de commerce de détail a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période de 2015 à 2019. L’administration a alors réclamé des rappels de taxe suite à la constatation de soldes fournisseurs inexpliqués inscrits au bilan d’ouverture de l’entreprise. Ces dettes ont été ultérieurement comptabilisées comme des produits exceptionnels de gestion sans que le règlement effectif des créances ne soit démontré par l’assujetti. Le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de décharge de ces impositions par un jugement rendu en date du 17 avril 2023. La requérante soutient que la régularisation ne pouvait intervenir en dehors des cas limitativement prévus par l’article 207 de l’annexe II du code général des impôts. La juridiction d’appel doit déterminer si l’absence de paiement d’une dépense fait obstacle au maintien du droit à déduction initialement exercé par l’entreprise. Les juges considèrent que la taxe se rapportant à des opérations impayées n’entre pas dans le champ de la déduction faute de grever un prix. Il convient d’étudier le défaut de fondement du droit à déduction (I) avant d’analyser les modalités de la reprise opérée par les services fiscaux (II).

I. L’absence de fondement au maintien du droit à déduction

A. Le constat matériel du défaut de paiement des fournisseurs

L’administration a identifié des dettes envers des fournisseurs qui n’ont jamais été honorées par la société au cours des exercices vérifiés par le service. Ces sommes figuraient au passif du bilan avant d’être transférées dans un compte de produits exceptionnels de gestion lors de la clôture des exercices. La société invoquait un règlement effectif mais n’a pas apporté de preuves suffisantes pour contester les constatations matérielles opérées par le vérificateur. La Cour adopte les motifs des premiers juges pour écarter l’argumentation tirée d’une prétendue erreur comptable commise lors de l’enregistrement initial des écritures. L’absence de sortie de trésorerie correspondante aux factures litigieuses interdit de considérer les créances comme éteintes par un paiement libératoire de l’assujetti.

B. L’exclusion légale du droit à déduction

Le droit à déduction repose sur le principe que la taxe a effectivement « grevé les éléments du prix d’une opération imposable » réalisée. La décision souligne que les opérations demeurées impayées ne répondent pas aux conditions posées par l’article 271 du code général des impôts pour la déduction. Dès lors que la dépense n’est pas réellement supportée, la taxe afférente ne peut être déduite de la taxe collectée sur les ventes. Cette solution protège le Trésor public contre des déductions portant sur des flux financiers fictifs ou abandonnés par les acteurs économiques. Le juge confirme ainsi que la réalité de la charge est un préalable indispensable à l’exercice légitime du droit à récupération de la taxe.

II. Les modalités de la rectification par l’administration fiscale

A. L’autonomie de la reprise par rapport aux procédures de régularisation

La requérante prétendait que la reprise de la taxe devait nécessairement s’inscrire dans le cadre formel des régularisations prévues par les dispositions réglementaires. L’arrêt écarte ce moyen en précisant que la société ne peut utilement invoquer l’article 207 de l’annexe II du code général des impôts. La taxe déduite sans base légale dès l’origine peut faire l’objet d’une rectification sans que l’administration ne doive justifier d’un événement postérieur. La reprise constitue la simple correction d’une déduction opérée en méconnaissance des conditions générales définies par la loi fiscale nationale. L’administration dispose donc d’un fondement juridique propre pour contester les montants qualifiés de « déductible à régulariser » lors de la proposition de rectification.

B. L’inefficacité des garanties tirées de la doctrine administrative

L’assujetti tentait de se prévaloir d’une interprétation doctrinale publiée au bulletin officiel des finances publiques pour faire échec aux rappels de taxe. Les juges d’appel rejettent cette argumentation en rappelant que la déduction n’est acquise que si le coût constitue un élément du prix. La doctrine administrative invoquée ne faisait que confirmer les principes légaux sans offrir une garantie supplémentaire ou une dérogation favorable à l’entreprise. La déduction n’est « définitivement acquise à l’assujetti que si le coût de ces biens et services constitue effectivement l’un des éléments du prix ». Le rejet de la requête confirme la stricte application des règles de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.

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Hassan KOHEN
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