Cour d’appel administrative de Marseille, le 16 janvier 2025, n°23MA01027

La cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 16 janvier 2025, un arrêt précisant les conditions de régularité d’une vérification de comptabilité informatisée. Une société de commerce de gros a subi un contrôle fiscal ayant entraîné des redressements en matière d’impôt sur les sociétés et de taxes sur le chiffre d’affaires. Le tribunal administratif de Marseille a rejeté, par un jugement du 28 février 2023, la demande de décharge des impositions supplémentaires et des majorations correspondantes. La société requérante soutient que la procédure est irrégulière en raison d’une méconnaissance du débat contradictoire et d’une information insuffisante sur les traitements informatiques. Elle conteste également le rejet de sa comptabilité ainsi que la méthode de reconstitution de ses recettes employée par les services de l’administration fiscale. La cour déclare irrecevables les conclusions tendant à la décharge des impositions d’un tiers, la société étant dépourvue d’intérêt à agir pour le compte d’un associé. Le litige porte sur la validité des garanties procédurales en matière de contrôle informatique et sur la force probante d’une comptabilité présentant des discordances physiques. Si la régularité de la procédure et la validité du rejet comptable paraissent établies (I), le bien-fondé de la reconstitution de recettes doit être également examiné (II).

I. La régularité de la procédure d’imposition et la validité du rejet comptable

A. Le respect des garanties relatives au débat oral et contradictoire

Le vérificateur a rencontré le représentant de la société à douze reprises au siège social, permettant un échange effectif sur les points de contrôle. « La possibilité d’engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l’entreprise vérifiée » malgré le déroulement partiel des opérations. L’absence de remise d’un fichier de synthèse ou la discordance entre les annonces verbales et la notification finale n’entachent pas la régularité de la procédure. L’administration a respecté les dispositions de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales en informant par écrit la société des investigations projetées. Une lettre de dix-sept pages précisait les données visées, permettant au contribuable d’effectuer « un choix éclairé entre les trois options qui lui étaient ouvertes ».

B. La justification du rejet d’une comptabilité dépourvue de valeur probante

L’administration fiscale a légitimement écarté la comptabilité de l’entreprise en raison de l’existence de « nombreuses discordances entre les stocks, les achats et les ventes ». La requérante a admis elle-même qu’une fraction des ventes réalisées par le biais d’internet n’avait pas fait l’objet d’une comptabilisation régulière et sincère. L’omission de communication des données issues du logiciel de facturation constitue une lacune grave empêchant tout contrôle sérieux de la réalité des flux commerciaux. Ces anomalies substantielles « remettaient en cause la sincérité de la comptabilité » de la société, permettant au service vérificateur d’écarter les documents présentés comme non probants. Le caractère non probant de la comptabilité autorise dès lors le recours à une évaluation extracomptable des bases de l’imposition par l’administration.

II. La validation de la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires

A. Une méthodologie de reconstitution cohérente et non viciée

Le service a déterminé les ventes non déclarées en calculant la différence entre les stocks initiaux augmentés des achats et les stocks finaux minorés. Pour évaluer ces recettes, l’administration a retenu « le prix le plus élevé entre le prix d’achat figurant dans les inventaires et le prix d’achat moyen ». Un taux de marge de 25 % a été appliqué aux ventes reconstituées, chiffre correspondant approximativement aux marges réelles constatées sur les exercices vérifiés. La cour administrative d’appel juge que cette méthode n’est pas « excessivement sommaire ou radicalement viciée » au regard de la nature de l’activité commerciale exercée. La pertinence de ce raisonnement administratif repose sur une recherche de cohérence avec les données physiques malgré les carences graves de l’enregistrement comptable.

B. L’absence de preuve d’une imposition exagérée par la société requérante

La charge de la preuve incombe au contribuable qui doit établir le caractère exagéré des bases d’imposition retenues par les services fiscaux. La société s’est bornée à produire des tableaux informatiques réalisés par ses propres soins, sans apporter de pièces justificatives probantes sur les prix réels. Les arguments relatifs aux remises fournisseurs ou aux produits promotionnels ne sont pas étayés par des documents permettant de vérifier les quantités traitées. « La société requérante ne prouve pas l’existence des erreurs alléguées » par la simple substitution de prix recalculés selon une méthode arbitraire sans fondement. Les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont rejetées.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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