Cour d’appel administrative de Marseille, le 21 mars 2025, n°24MA01679

L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille le 21 mars 2025 s’inscrit dans le cadre du contentieux disciplinaire de la fonction publique hospitalière. Un agent, occupant des fonctions au sein d’un établissement de santé, a fait l’objet d’une mesure de révocation par un arrêté du 13 juillet 2023. Cette sanction punissait une agression physique préméditée contre un supérieur hiérarchique ainsi que l’envoi de messages électroniques menaçants à d’autres agents.

Saisi d’un recours en annulation, le Tribunal administratif de Marseille a, par un jugement avant-dire droit du 17 mai 2024, ordonné une expertise psychiatrique. L’établissement hospitalier a relevé appel de cette décision en soutenant que cette mesure d’instruction présentait un caractère manifestement inutile au regard du dossier. La juridiction d’appel devait déterminer si l’autorité de la chose jugée au pénal s’imposait au juge administratif quant à l’appréciation du discernement de l’agent. La Cour confirme le jugement initial en considérant que l’appréciation portée par le juge pénal sur la conscience des actes ne constitue pas une constatation matérielle souveraine.

I. L’autonomie de la qualification disciplinaire face aux décisions du juge répressif

A. Le refus d’une autorité absolue du pénal sur l’état psychique de l’agent

L’autorité de la chose jugée au pénal se limite aux constatations de fait qui constituent le support nécessaire du dispositif de la décision répressive. Dans l’espèce commentée, l’établissement public se prévalait d’une ordonnance d’homologation de peine ayant implicitement reconnu la pleine responsabilité pénale de l’agent concerné. Or, les magistrats marseillais rappellent que « l’appréciation portée par le juge pénal sur le discernement ne constitue pas une constatation matérielle de fait ». Cette distinction technique préserve l’autonomie du juge de l’excès de pouvoir pour qualifier juridiquement les circonstances entourant la commission de la faute.

B. La subsistance de la faute administrative malgré une relaxe pénale partielle

L’arrêt précise également l’articulation entre la relaxe pénale et la sanction administrative concernant les propos insultants et les comportements menaçants reprochés. Bien que le tribunal correctionnel ait relaxé l’intéressé pour ces faits précis, le juge administratif peut légalement les retenir comme motifs de sanction. La Cour souligne que la relaxe « ne fait pas obstacle à ce que ceux-ci fussent retenus » dès lors que la réalité des agissements est établie. La faute disciplinaire conserve ainsi une définition propre par rapport à l’infraction pénale, permettant à l’administration de protéger efficacement le service public.

II. La légitimité du recours à l’expertise dans le contrôle de la proportionnalité

A. L’existence d’une incertitude médicale rendant nécessaire l’instruction technique

Le contrôle de la proportionnalité de la sanction impose au juge de vérifier si la gravité des manquements justifie la mesure de révocation prononcée. L’agent soutenait devant les premiers juges qu’une pathologie psychologique avait altéré son discernement au moment des faits de violence physique commis. Le dossier révélait des avis médicaux divergents, opposant un examen psychiatrique de garde à vue à un suivi thérapeutique attestant de troubles délirants. Cette contradiction manifeste justifiait le recours à un expert spécialisé afin de « se prononcer en toute connaissance de cause sur le moyen soulevé ».

B. La confirmation du caractère utile de la mesure d’instruction ordonnée

L’établissement hospitalier contestait l’utilité de cette mesure en invoquant le caractère tardif ou opportuniste de la défense psychiatrique de son ancien employé. La Cour administrative d’appel de Marseille rejette cette argumentation en affirmant que l’expertise ordonnée « ne présente pas un caractère frustratoire » au regard des enjeux. Cette solution renforce la mission du juge administratif qui doit s’assurer que la sanction ne heurte pas manifestement les principes généraux du droit. L’arrêt confirme ainsi la prééminence de l’instruction contradictoire sur les considérations de célérité administrative lorsque la santé mentale du fonctionnaire est incertaine.

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Hassan KOHEN
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