Par un arrêt rendu le 23 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille précise les conditions de légalité d’une mutation d’office prononcée pour assurer la sécurité d’un fonctionnaire territorial. Un attaché territorial, responsable d’une réserve naturelle, avait été placé en congé de longue maladie après avoir été victime de menaces et d’actes de malveillance dans l’exercice de ses missions. À l’issue de ce congé, son employeur a décidé de l’affecter sur un poste de chargé de mission au siège de l’établissement public, situé dans une autre commune. L’intéressé a contesté cette mutation ainsi que les arrêtés réduisant son régime indemnitaire et lui retirant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire. Le tribunal administratif de Bastia ayant rejeté sa demande le 1er février 2024, le requérant a interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de ces différentes décisions individuelles. Le litige porte principalement sur le respect du droit à la communication du dossier et sur l’adéquation de la nouvelle affectation avec l’état de santé de l’agent. La juridiction d’appel confirme la validité de la procédure suivie et rejette l’argumentation fondée sur les contraintes de déplacement liées au changement de résidence administrative.
I. Une mutation d’office régulière prise en considération de la personne de l’agent
A. La mise en œuvre de la garantie du droit à la communication du dossier
Aux termes de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, l’agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne doit pouvoir consulter son dossier. La Cour administrative d’appel de Marseille relève que la mutation litigieuse a été décidée pour garantir la sécurité physique et psychologique de l’agent face à un contexte local délétère. Elle considère ainsi que « cette décision de mutation d’office a été prise en considération de la personne » du requérant, ce qui imposait théoriquement une information préalable de l’intéressé. Toutefois, les juges constatent que l’administration avait averti le fonctionnaire dès le 27 février 2020 qu’il n’interviendrait plus dans la gestion de son ancien service. L’agent a donc « été mis à même de demander utilement la communication de son dossier » avant que la décision définitive ne soit formellement notifiée par l’autorité administrative.
B. L’inutilité de la consultation préalable du comité technique
Le requérant soutenait également que la réorganisation de son service d’origine aurait dû être soumise à l’avis préalable du comité technique paritaire compétent. La Cour écarte ce moyen en soulignant que le poste de responsable précédemment occupé n’a pas été supprimé de l’organigramme de l’établissement public concerné. Elle juge que « la mutation d’office […] n’est pas la conséquence d’une réorganisation de service » et ne relève donc pas des consultations obligatoires prévues par les dispositions statutaires. Cette distinction entre la mesure individuelle de gestion et la modification structurelle des services permet à la juridiction de valider la procédure interne suivie par l’employeur. L’absence d’influence directe de la réorganisation sur le prononcé de la mutation écarte ainsi tout vice de procédure susceptible d’entacher la légalité de l’acte attaqué.
II. La validité des conséquences pécuniaires et matérielles découlant du changement de fonctions
A. L’absence d’incompatibilité entre le nouveau poste et l’état de santé
Le requérant invoquait une inadéquation entre ses nouvelles missions et son handicap, soulignant notamment la pénibilité des trajets automobiles entre son domicile et sa nouvelle résidence administrative. La Cour observe que le comité médical et le médecin agréé n’avaient formulé aucune recommandation particulière concernant les conditions d’emploi ou les déplacements géographiques. Elle souligne que « la longue distance qu’il doit de ce fait parcourir en voiture […] ne résulte que de sa volonté de ne pas déménager » après sa nomination. Les juges considèrent que les contraintes de transport liées au choix de vie personnelle de l’agent ne sauraient rendre le poste incompatible avec son état de santé. Cette position réaffirme l’obligation pour l’agent de s’adapter aux nécessités du service dès lors que ses aptitudes physiques générales ont été médicalement constatées.
B. La justification de la réduction du régime indemnitaire de l’agent
L’affectation sur le poste de chargé de mission a entraîné une baisse significative des revenus de l’agent par la suppression de certaines indemnités et de la bonification indiciaire. La Cour administrative d’appel de Marseille valide cette évolution pécuniaire en relevant que les décisions attaquées mentionnent précisément les considérations de droit et de fait nécessaires. Elle constate que « l’agent n’exerce plus les fonctions d’encadrant qui justifiaient qu’il bénéficie de la nouvelle bonification indiciaire » dans ses précédentes responsabilités techniques. La diminution de la rémunération globale ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’elle traduit strictement le changement de la nature des missions exercées. En rejetant l’ensemble des conclusions, la Cour confirme que la protection de l’agent peut légalement justifier une mutation d’office aux conséquences financières défavorables pour l’intéressé.