Par un arrêt rendu le 27 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille précise les conditions de légalité d’une décision fixant le pays de renvoi. Un ressortissant étranger est entré irrégulièrement en France avant de solliciter l’asile, lequel fut refusé par l’administration compétente puis par la juridiction spécialisée. L’autorité préfectorale a alors assorti son obligation de quitter le territoire d’une décision désignant le pays d’origine comme destination de la mesure d’éloignement. Le tribunal administratif de Marseille a annulé cette dernière mesure en estimant que l’intéressé justifiait de risques réels en cas de retour forcé. Le représentant de l’État a interjeté appel de ce jugement pour demander le rétablissement de la décision initiale fixant le pays de destination. Il s’agissait de déterminer si les éléments produits par le requérant établissaient une menace actuelle et personnelle contraire aux engagements internationaux de la France. La Cour administrative d’appel infirme le jugement de première instance en considérant que la réalité des risques n’était pas démontrée par les pièces du dossier.
I. L’autonomie de l’appréciation administrative des risques de traitements inhumains
A. L’obligation d’un examen complet de la situation personnelle
L’autorité administrative doit s’assurer, sous le contrôle du juge, que ses décisions n’exposent pas l’étranger à des traitements prohibés par la convention européenne. La Cour rappelle qu’un étranger ne peut être éloigné s’il établit que sa vie est menacée ou qu’il subira des peines inhumaines. La décision précise ainsi que l’éloignement ne peut intervenir qu’après « un examen approfondi et complet de sa situation, et de la vérification qu’elle possède encore ou non la qualité de réfugié ». Cette exigence impose au préfet une vigilance particulière qui dépasse la simple vérification formelle des conditions administratives de séjour sur le territoire national. L’administration doit donc procéder à une analyse concrète des faits pour conclure, en cas d’éloignement, à l’absence de risque au regard des stipulations internationales.
B. L’indépendance de l’autorité préfectorale envers les instances d’asile
Le préfet peut légitimement prendre en considération les décisions antérieures rendues par les instances chargées de l’examen des demandes de protection internationale. Cependant, l’arrêt souligne que l’appréciation des faits par ces organismes « ne lient pas le préfet, et sont sans influence sur l’obligation qui est la sienne ». Le juge administratif conserve son plein pouvoir d’appréciation pour vérifier si l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est respecté. L’autorité préfectorale ne saurait donc se sentir liée par un refus d’asile pour justifier automatiquement la légalité d’une mesure fixant le pays de renvoi. Cette autonomie décisionnelle garantit que chaque situation individuelle fait l’objet d’une protection juridictionnelle effective au moment où la mesure d’éloignement est exécutée.
II. L’exigence de preuves probantes pour établir la réalité des menaces
A. Le contrôle de la crédibilité des éléments de fait invoqués
La Cour administrative d’appel de Marseille exerce un contrôle rigoureux sur la valeur des documents produits pour contester la fixation du pays de destination. Dans cette espèce, l’intéressé invoquait des craintes de persécutions liées à son passé militaire et à son profil jugé trop proche des standards occidentaux. Les juges relèvent pourtant que les explications fournies étaient « insuffisamment circonstanciées et non vraisemblables, en particulier sur son identité, sa nationalité et sa province d’origine ». L’utilisation d’un faux document par le requérant a lourdement pesé sur l’appréciation globale de la véracité des menaces alléguées par ce dernier. Les éléments produits postérieurement à l’arrêté, comme des attestations de tiers, ont été jugés insuffisants pour démontrer l’existence d’une vulnérabilité particulière ou d’un danger certain.
B. L’insuffisance des données générales face à l’absence de risque personnel
Le juge de l’excès de pouvoir distingue la situation politique globale d’un État de la situation particulière de l’étranger devant être éloigné vers ce pays. L’arrêt précise que « les éléments d’information d’ordre général relatifs à la situation générale actuelle » ne sauraient suffire à démontrer une vulnérabilité spécifique au bénéfice de l’intéressé. La seule présence de membres de la famille sur le sol français ou une intégration associative récente ne permettent pas de caractériser un risque individuel. La Cour juge que l’administration n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en fixant le pays d’origine comme destination finale de la mesure de reconduite. Cette décision confirme la nécessité pour le demandeur d’apporter des preuves concrètes et personnelles d’une menace pour faire obstacle à l’exécution de son éloignement.