Cour d’appel administrative de Marseille, le 3 juillet 2025, n°25MA00281

La Cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt du 3 juillet 2025, se prononce sur la légalité d’un refus de titre de séjour. Une ressortissante étrangère, entrée sur le territoire national en 2019, a sollicité la délivrance d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale ». L’autorité administrative a rejeté sa demande en avril 2024, assortissant sa décision d’une obligation de quitter le territoire français et d’une interdiction de retour. La requérante a formé un recours devant la juridiction de premier ressort qui a rejeté ses prétentions par un jugement du 15 novembre 2024. Elle soutient devant les juges d’appel que ces décisions méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale ainsi que l’intérêt supérieur de ses enfants. La juridiction doit déterminer si la présence continue de l’intéressée et la stabilité de sa cellule familiale imposent la délivrance d’un droit au séjour. La Cour considère que le refus porte une atteinte disproportionnée aux droits protégés par les stipulations conventionnelles et annule le jugement attaqué. L’examen du raisonnement des juges d’appel permet d’analyser la protection de la vie familiale (I) avant d’envisager la portée des mesures d’injonction prononcées (II).

I. L’affirmation d’un droit au séjour fondé sur la stabilité de la cellule familiale

A. La caractérisation d’une intégration familiale ancienne et durable

Les juges d’appel relèvent que la requérante réside en France depuis mars 2019 et vit en concubinage avec un compatriote titulaire d’un titre de séjour. L’arrêt souligne que le compagnon possède une carte pluriannuelle renouvelée et a donc « vocation à demeurer durablement sur le territoire national ». La stabilité de cette union, débutée en juillet 2019, constitue le pivot de l’appréciation portée par la juridiction sur la situation personnelle de l’intéressée. La présence de deux enfants nés en France, dont l’aîné est déjà scolarisé, renforce la réalité des attaches privées constituées depuis l’arrivée dans le pays. Ces éléments factuels permettent à la Cour de caractériser une intégration familiale solide en dépit d’un rejet antérieur d’une demande d’asile.

B. La sanction de l’atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale

Le juge administratif rappelle les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce texte garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale contre les ingérences disproportionnées des autorités publiques. Le représentant de l’État a commis une erreur d’appréciation en refusant le titre de séjour compte tenu de la durée et des conditions réelles du séjour. L’arrêt affirme qu’en agissant ainsi, l’administration a « porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs poursuivis ». Cette conclusion impose l’annulation de la décision administrative initiale qui ne respectait pas l’équilibre nécessaire entre l’ordre public et les libertés individuelles. La reconnaissance de cette méconnaissance conventionnelle fonde juridiquement le droit de l’intéressée à demeurer auprès de sa famille installée régulièrement sur le sol français.

II. Les conséquences juridiques et l’effectivité de la protection conventionnelle

A. L’annulation par voie de conséquence des mesures d’éloignement

L’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraîne mécaniquement la nullité des mesures accessoires de police des étrangers contenues dans l’arrêté. Les magistrats décident que les mesures d’éloignement et l’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an doivent également être annulées. Cette solution s’impose par voie de conséquence dès lors que le fondement juridique de l’obligation de quitter le territoire français a disparu. Le juge refuse d’examiner les autres moyens de la requête car le motif tiré de la violation de la vie privée suffit à censurer l’intégralité de l’acte. Cette économie de moyens illustre la puissance protectrice des stipulations conventionnelles lorsqu’une situation familiale est manifestement établie et stable devant les juges.

B. L’injonction de délivrance d’un titre comme garantie du droit protégé

La juridiction fait usage de son pouvoir d’injonction pour assurer l’exécution effective de sa décision conformément aux dispositions du code de justice administrative. L’arrêt prescrit à l’autorité préfectorale de délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Les magistrats ordonnent également que le préfet prenne « toute mesure utile afin de procéder à la suppression du signalement » de l’intéressée dans le système d’information. Cette mesure garantit le plein effet de l’annulation de l’interdiction de retour et prévient toute entrave future à la circulation de la ressortissante étrangère. La protection juridictionnelle devient ainsi concrète en substituant une obligation de faire à la simple constatation de l’illégalité d’un acte administratif devenu caduc.

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Hassan KOHEN
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