La cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 4 juillet 2025, un arrêt relatif à la responsabilité de l’Etat pour des mesures de police des étrangers. Une ressortissante étrangère a reçu une obligation de quitter le territoire français en août 2017 avant d’être placée en rétention administrative l’année suivante. Elle fut ensuite assignée à résidence durant quarante-cinq jours alors que ses documents d’identité étaient conservés par les services de police. La mesure d’assignation fut ultérieurement annulée par le juge administratif car l’intéressée avait déjà exécuté son obligation de quitter le territoire. La requérante a alors saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande indemnitaire pour les conditions de sa rétention et son assignation fautive. Par un jugement en date du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Nice a condamné l’Etat à verser la somme de cinq cents euros. L’intéressée a interjeté appel de cette décision devant la cour administrative d’appel de Marseille afin d’obtenir une réévaluation de son indemnisation. La juridiction doit déterminer si les conditions matérielles de la rétention sont fautives et quelle est l’étendue de la réparation due pour l’assignation illégale. La cour administrative d’appel de Marseille rejette les griefs relatifs à la rétention mais porte la condamnation de l’Etat à trois mille euros pour le préjudice moral. Le présent commentaire examinera l’appréciation des conditions de la rétention administrative (I), avant d’analyser les modalités de l’indemnisation des préjudices subis (II).
I. L’admission sélective de la faute administrative
A. Le rejet des griefs relatifs aux conditions matérielles de la rétention
La cour administrative d’appel de Marseille considère que le transfert vers un autre centre de rétention ne présente pas de caractère fautif. Elle précise que « la circonstance que l’intéressée ait dû, du fait de l’absence de place pour femmes… être transférée… ne présente pas un caractère fautif ». Les juges estiment également que l’usage de menottes ou la confiscation d’un téléphone portable relèvent des « exigences de sécurité requises » en centre de rétention. L’administration n’est par ailleurs pas tenue de réacheminer la personne retenue jusqu’à son domicile à l’issue de la mesure de contrainte. Cette solution confirme la marge de manœuvre dont dispose l’Etat pour organiser les modalités matérielles de l’éloignement sans engager sa responsabilité.
B. L’illégalité fautive de l’assignation à résidence injustifiée
La juridiction rappelle que l’annulation préalable d’une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration. En l’espèce, l’assignation à résidence reposait sur une obligation de quitter le territoire français que la requérante avait déjà exécutée de manière volontaire. Les juges soulignent que l’illégalité de cette mesure entraîne le droit à « l’indemnisation des préjudices matériel et moral résultant de cette assignation ». La cour consacre ici le lien direct entre l’erreur de fait commise par l’administration et l’ouverture d’un droit à réparation pour la victime. Cette position classique de la jurisprudence administrative sanctionne l’usage d’une mesure restrictive de liberté alors que la situation administrative était régularisée.
II. Une réparation indemnitaire strictement encadrée
A. L’application rigoureuse des règles de preuve du préjudice matériel
La requérante sollicitait l’indemnisation de frais de procédure, de transport et de santé qu’elle estimait consécutifs à la mesure d’assignation illégale. La cour administrative d’appel de Marseille rejette ces prétentions faute pour l’intéressée d’établir la réalité ou le lien de causalité des dépenses. Les juges relèvent que les billets d’avion ont été achetés après le prononcé de l’assignation alors que l’intéressée connaissait son interdiction de circuler. Concernant les frais médicaux, la cour note qu’elle « n’établit pas le montant des dépenses engagées ni même que ces frais n’auraient pas été pris en charge ». L’indemnisation matérielle reste ainsi subordonnée à une démonstration probante de la perte pécuniaire réelle directement imputable à la faute de l’administration.
B. La réévaluation de l’indemnité au titre du préjudice moral
La cour administrative d’appel de Marseille porte l’indemnité due pour le préjudice moral de cinq cents à trois mille euros en raison des circonstances. La juridiction prend en compte le fait que l’assignation illégale a empêché la requérante de se rendre au chevet de sa mère mourante. Les juges motivent cette décision par l’impossibilité de « participer à ses obsèques à la suite de son décès survenu le 12 mars 2018 ». Cette appréciation souveraine des juges du fond permet de sanctionner l’administration lorsque la mesure illégale porte une atteinte grave à la vie familiale. La somme allouée témoigne d’une volonté de compenser plus justement une douleur morale profonde causée par une privation de liberté infondée.