La Cour administrative d’appel de Nancy, par un arrêt rendu le 2 octobre 2025, précise les contours juridiques de la liquidation des établissements publics de coopération intercommunale. Un syndicat mixte, chargé de l’aménagement d’une zone d’activités, fait l’objet d’une dissolution consécutive à une refonte globale de la carte intercommunale. Deux arrêtés préfectoraux, portant respectivement sur la répartition du patrimoine et le règlement d’office d’un budget, sont contestés par des membres du groupement. Le tribunal administratif de Besançon rejette initialement les demandes d’annulation dirigées contre ces actes administratifs par une commune et une communauté de communes. Les requérantes soutiennent notamment que le passif a été erronément évalué et que le représentant de l’État a indûment exercé ses compétences budgétaires. La juridiction d’appel doit déterminer si les dettes provisionnelles constituent un passif exigible et si le préfet peut légalement modifier un budget déjà adopté. Elle confirme la validité de la répartition patrimoniale mais annule l’acte budgétaire pour cause d’incompétence de l’autorité préfectorale. L’étude de la sécurisation des opérations de liquidation patrimoniale précédera l’analyse du strict encadrement des pouvoirs budgétaires du représentant de l’État.
I. La sécurisation des opérations de liquidation patrimoniale du syndicat
A. La consécration d’un passif syndical certain et exigible Le juge d’appel valide le montant du passif retenu par l’autorité préfectorale pour la répartition finale des éléments d’actif et de passif. Ce montant correspond au déficit prévisionnel mis à la charge du syndicat dans le cadre d’une convention publique d’aménagement signée avec un concessionnaire. La Cour estime que cette somme présente le caractère d’une « dette certaine et exigible au 31 décembre 2016, compte-tenu de l’achèvement de l’objet du syndicat ». Elle écarte l’argument relatif à une subvention départementale, soulignant que l’engagement financier du département est devenu caduc suite aux réformes territoriales. Le droit au maintien d’une participation financière s’efface devant la perte de compétence économique de la collectivité territoriale concernée par la loi. Cette solution garantit la sincérité des comptes de liquidation en se fondant sur la réalité des engagements contractuels définitivement souscrits par le groupement. La définition précise du patrimoine syndical permet d’aborder les modalités concrètes de sa répartition finale entre les différentes collectivités membres.
B. La régularité de la répartition du solde entre les membres La répartition de l’actif et du passif doit s’opérer entre les collectivités membres conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales. La Cour relève que le solde de liquidation a été « réparti entre les anciennes collectivités membres en fonction de leur nombre de parts ». Elle distingue ce solde patrimonial du simple reversement de la trésorerie courante effectué au profit du nouvel établissement public de coopération intercommunale. L’attribution d’un reliquat de trésorerie à une communauté d’agglomération se justifie par l’exercice effectif de la compétence de gestion de la zone géographique. Les membres ne peuvent donc utilement contester une répartition qui respecte leurs droits patrimoniaux au prorata de leur participation financière initiale. Cette distinction entre actif de liquidation et trésorerie opérationnelle clarifie les modalités de clôture des comptes tout en limitant les prérogatives préfectorales.
II. Le strict encadrement des pouvoirs budgétaires du préfet
A. Le caractère subsidiaire du pouvoir de règlement d’office L’article L. 5211-26 du code général des collectivités territoriales limite strictement l’intervention du représentant de l’État dans le processus budgétaire de la liquidation. Le règlement d’office ne peut intervenir qu’« en l’absence d’adoption du budget par l’organe délibérant de l’établissement public avant le 31 mars ». Le juge administratif rappelle ainsi le principe de l’autonomie financière des groupements de collectivités territoriales, même en phase de dissolution administrative. Le liquidateur, bien qu’investi de la qualité d’ordonnateur, ne se substitue pas à l’assemblée délibérante pour le vote souverain des orientations budgétaires. La mise en demeure préalable constitue une formalité substantielle dont l’usage injustifié entache de nullité la décision prise par l’autorité préfectorale. L’existence d’un budget valablement voté par le comité syndical fait obstacle à toute immixtion de l’autorité de tutelle dans la gestion financière. Le respect de ce calendrier législatif conditionne la légalité de l’acte et entraîne la censure de toute décision modificative imposée par le préfet.
B. La sanction de l’incompétence de l’autorité préfectorale La Cour constate que l’organe délibérant avait adopté un budget pour l’exercice considéré avant le terme légal fixé par les dispositions législatives. Elle en déduit que les textes « n’autorisant pas en pareil cas le préfet à édicter une décision venant modifier ce budget ». L’arrêté portant règlement d’office d’une décision modificative est par conséquent déclaré nul pour cause d’incompétence ratione materiae de son auteur. Le juge refuse de valider une substitution de pouvoir qui méconnaîtrait les prérogatives maintenues des élus locaux durant toute la période de liquidation. Cette annulation partielle réaffirme la hiérarchie des normes et le respect scrupuleux des conditions d’exercice des pouvoirs de police administrative budgétaire. La protection de la volonté des membres du syndicat prévaut finalement sur la volonté de célérité de l’administration dans le règlement des comptes.