La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 23 septembre 2025, un arrêt relatif à la légalité d’une obligation de quitter le territoire français. Un ressortissant étranger a sollicité l’annulation d’une décision administrative lui imposant de partir et lui interdisant le retour pendant une durée d’un an. L’intéressé, dont les demandes d’asile successives furent rejetées par l’office de protection, invoquait des risques graves en cas de retour dans son pays. Le premier juge a rejeté sa demande initiale le 20 novembre 2023, ce qui a conduit le requérant à saisir la juridiction d’appel. La question centrale porte sur l’incidence de la suspension des vols de retour vers une destination sur la validité juridique de la décision d’éloignement. La juridiction d’appel rejette la requête en distinguant strictement la légalité de l’acte administratif des simples modalités techniques liées à son exécution forcée. L’étude de cette solution suppose d’analyser la séparation entre la légalité et l’exécution de la mesure, avant d’aborder l’appréciation des risques personnels encourus.
I. La distinction rigoureuse entre la légalité de l’acte et son exécution
A. L’inopérance des risques personnels face à l’obligation de départ
La juridiction administrative rappelle que le moyen tiré de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme est inopérant contre l’obligation de quitter le territoire. Cette stipulation ne peut être invoquée contre la mesure d’éloignement car celle-ci « n’a pas pour objet de déterminer le pays de destination ». Les juges confirment une jurisprudence constante séparant la décision de principe de l’éloignement de celle fixant concrètement les modalités de son application géographique. L’administration dispose ainsi d’une marge de manœuvre nécessaire pour ordonner le départ sans que les risques extérieurs ne viennent immédiatement vicier l’acte. Cette distinction fondamentale protège la validité de la décision administrative initiale tout en réservant le débat sur la sécurité individuelle à la seule mesure accessoire.
B. L’absence d’influence de la suspension des éloignements sur la décision
Le requérant soulignait que l’État avait suspendu les éloignements d’office vers son pays d’origine pour contester la légalité de l’acte administratif faisant grief. La juridiction répond que cette circonstance « n’a d’effet que sur l’exécution d’une mesure d’éloignement et est, en revanche, sans incidence sur la légalité ». La distinction entre le bien-fondé juridique de l’acte et les obstacles matériels empêchant sa réalisation ponctuelle est ici réaffirmée avec une fermeté. Une impossibilité technique transitoire ne saurait paralyser l’action de l’autorité administrative dans sa mission de gestion des flux migratoires sur le territoire national. L’ordre juridique conserve sa cohérence en maintenant l’existence de la norme administrative même si son application effective se trouve temporairement entravée par des faits. La validation juridique de ces principes fondamentaux permet d’examiner avec précision la situation individuelle de l’intéressé face aux risques qu’il prétend subir.
II. L’appréciation factuelle des menaces et la confirmation des sanctions
A. Le caractère insuffisant des allégations relatives à la situation générale
Pour contester la fixation du pays de renvoi, l’intéressé arguait du retour au pouvoir d’un régime hostile affectant gravement la sécurité dans son pays. La Cour écarte cet argument en relevant que l’administré « n’apporte aucun élément probant de nature à établir qu’il encourrait, à titre personnel, des risques ». Le droit administratif français impose une personnalisation de la menace pour faire échec à une mesure d’éloignement vers une destination précise et déterminée. Une situation générale de violence ou de changement de régime politique ne suffit pas à caractériser une violation des droits fondamentaux du requérant étranger. Cette exigence probatoire renforce la présomption de légalité des décisions préfectorales tout en limitant la portée protectrice de la convention européenne aux cas individuels.
B. Le maintien de l’interdiction de retour malgré les obstacles matériels
La décision porte également sur l’interdiction de retour, mesure dont le requérant contestait la pertinence au regard de l’impossibilité matérielle de son éloignement. Les juges considèrent que le bénéfice provisoire d’un droit au maintien sur le territoire est « sans incidence sur la légalité d’une décision portant interdiction ». La sanction administrative de l’interdiction de retour conserve sa raison d’être juridique indépendamment des aléas logistiques rencontrés par les services de l’État souverain. L’autorité judiciaire refuse ainsi de lier le sort de l’exclusion du territoire à la réussite matérielle immédiate du raccompagnement effectif à la frontière. Cette solution assure la pérennité de la politique de contrôle migratoire en empêchant que des contraintes extérieures ne vident de leur substance les actes.