La cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 27 mai 2025, une décision importante relative à la protection de la vie privée des ressortissants étrangers. Une requérante résidant en France depuis neuf ans conteste un arrêté préfectoral portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination. L’intéressée justifie d’un emploi stable en qualité de cuisinière et d’une relation sentimentale établie avec un partenaire de nationalité française depuis plusieurs années consécutives. Le tribunal administratif rejette la demande d’annulation le 2 avril 2024, provoquant ainsi l’introduction d’un recours devant la juridiction administrative d’appel par le conseil de la requérante. La question posée aux magistrats consiste à déterminer si l’éloignement d’un étranger durablement inséré porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental à la vie privée. La cour administrative d’appel de Nancy annule la mesure d’éloignement en retenant la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’étude de la décision met en lumière la rigueur de l’autorité de chose jugée ainsi que la protection renforcée de l’insertion du ressortissant étranger.
I. L’opposabilité de l’autorité de la chose jugée au contentieux du séjour
A. La triple identité interdisant un second examen du refus de titre La juridiction d’appel rappelle qu’un précédent jugement avait déjà définitivement statué sur la légalité du refus de délivrance du titre de séjour initialement sollicité par l’intéressée. Elle souligne l’existence d’une « triple identité de parties, d’objet et de cause entre le présent litige et celui déjà tranché » par la juridiction de première instance. Cette solution consacre l’autorité de la chose jugée, laquelle fait obstacle à ce qu’il soit statué à nouveau sur les conclusions tendant à l’annulation du refus. Le juge administratif garantit ainsi la sécurité juridique en refusant de réouvrir un débat contentieux sur une question ayant déjà reçu une réponse juridictionnelle définitive. Cette irrecevabilité manifeste conduit la cour à concentrer son analyse sur la légalité des mesures accessoires, notamment l’obligation de quitter le territoire et le délai imparti.
B. La dissociation procédurale entre le droit au séjour et la mesure d’éloignement Bien que le refus de séjour soit devenu définitif, la légalité de l’obligation de quitter le territoire demeure susceptible d’un examen autonome et approfondi par le juge. La cour distingue précisément la validité du titre de séjour de la proportionnalité de l’éloignement au regard de la situation personnelle et familiale actuelle de l’étranger. Cette approche permet de sanctionner une erreur d’appréciation de l’administration malgré l’absence d’un droit automatique à la délivrance d’un document de séjour permanent. Le juge exerce un contrôle rigoureux sur les conséquences concrètes de l’éloignement, s’assurant que la décision ne méconnaisse pas les engagements internationaux de la République. Cette protection juridictionnelle se manifeste particulièrement à travers le contrôle de proportionnalité exercé sur la situation personnelle et familiale globale du ressortissant étranger.
II. La sanction de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale
A. La valorisation de l’insertion professionnelle et de l’ancienneté du séjour La cour administrative d’appel de Nancy relève que l’intéressée réside sur le territoire national depuis neuf ans à la date de la décision administrative contestée. Elle note avec précision que la requérante est « intégrée professionnellement, occupant un emploi à durée indéterminée depuis le 7 octobre 2021 en qualité de cuisinière ». Cette stabilité matérielle, couplée à un investissement associatif régulier, démontre une insertion sociale profonde dépassant la simple présence physique sur le sol français depuis plusieurs années. La décision souligne l’importance des liens amicaux et des activités bénévoles comme critères constitutifs d’une vie privée protégée par les stipulations de la convention européenne. Le juge administratif substitue son appréciation à celle de l’autorité préfectorale pour protéger une intégration réussie et durablement établie au sein de la société française.
B. La protection de la stabilité de la relation sentimentale avec un national L’arrêt met en lumière la relation entretenue avec un ressortissant français depuis l’année 2021, attestée par une vie commune et un pacte civil de solidarité. La cour administrative d’appel de Nancy estime que « l’intensité des liens personnels de la requérante en France » rend la mesure d’éloignement juridiquement infondée et disproportionnée. Bien que le pacte de solidarité soit postérieur à l’arrêté, la juridiction administrative l’utilise pour confirmer le sérieux et la stabilité de l’engagement sentimental préexistant. En annulant l’obligation de quitter le territoire, le juge assure la primauté du respect de la cellule familiale sur les impératifs de régulation des flux migratoires. Cette solution impose à l’administration de réexaminer la situation de l’individu tout en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans un délai très bref.