Cour d’appel administrative de Nancy, le 30 juin 2025, n°23NC00806

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 30 juin 2025, un arrêt précisant les conditions du droit au maintien des demandeurs d’asile. Un ressortissant étranger a vu sa demande de réexamen initialement déclarée irrecevable par l’office de protection des réfugiés et des apatrides. La Cour nationale du droit d’asile a toutefois annulé cette décision le 7 décembre 2022 et renvoyé l’examen à l’instance compétente. Malgré cette procédure en cours, l’autorité administrative a pris une obligation de quitter le territoire français sans délai et une interdiction de retour. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé l’annulation de ces mesures par un jugement rendu le 13 février 2023. Le juge d’appel devait alors trancher la question de savoir si le réexamen effectif de la demande d’asile interdit l’édiction d’une mesure d’éloignement. La Cour confirme que l’étranger bénéficie d’un droit de séjour jusqu’à la notification de la décision prise après le réexamen ordonné. L’étude de cette décision impose d’envisager d’abord le rétablissement du droit au maintien (I), avant d’analyser la portée du contrôle exercé sur l’administration (II).

I. La protection du droit au maintien lors du réexamen de la demande d’asile

A. Le rétablissement du droit au séjour par l’annulation d’une décision d’irrecevabilité L’arrêt souligne que le réexamen d’une demande d’asile confère un droit au maintien effectif sur le territoire jusqu’à la notification de la décision finale. Cette garantie s’applique lorsque la Cour nationale du droit d’asile annule une décision d’irrecevabilité et renvoie le dossier devant l’office de protection compétent. « Il résulte des dispositions précitées que ce réexamen conférait le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu’à ce que la décision soit notifiée ». La décision de la juridiction spécialisée du 7 décembre 2022 imposait donc à l’administration d’attendre l’issue de cette nouvelle phase d’instruction. Le droit au séjour provisoire constitue une protection indispensable pour garantir l’exercice effectif des droits des personnes sollicitant une protection internationale sur le sol national.

B. L’illégalité d’une mesure d’éloignement édictée avant la notification du réexamen L’administration commet une erreur de droit en prononçant une mesure d’éloignement pendant que l’instance de protection statue sur le fond d’une demande de réexamen. Les arrêtés litigieux sont intervenus alors que l’étranger disposait encore de sa qualité de demandeur d’asile en raison de la procédure de réexamen pendante. La Cour affirme que « les premiers juges ont à bon droit retenu l’erreur de droit de la préfète d’avoir édicté une obligation de quitter le territoire ». L’annulation de l’acte principal entraîne l’illégalité par voie de conséquence de l’interdiction de retour ainsi que de la décision fixant le pays de destination. Cette solution préserve la cohérence de l’ordre juridique en empêchant l’expulsion prématurée d’un individu dont la situation n’a pas été définitivement tranchée administrativement.

II. Une interprétation rigoureuse des garanties procédurales par le juge administratif

A. La sanction de la précipitation de l’autorité administrative dans l’exercice du pouvoir d’éloignement Le juge administratif exerce un contrôle strict sur le moment précis où le droit de se maintenir sur le territoire prend fin pour un étranger. L’autorité préfectorale ne peut ignorer les conséquences juridiques d’une annulation prononcée par la Cour nationale du droit d’asile au bénéfice du requérant en cause. L’erreur identifiée résulte d’une application erronée des articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers régissant le droit au séjour provisoire. La Cour administrative d’appel de Nancy confirme ainsi le jugement rendu par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en rejetant la requête de l’administration. La fin du droit au maintien suppose la notification d’une nouvelle décision de rejet rendue par l’office de protection des réfugiés et des apatrides.

B. La confirmation du caractère protecteur de la procédure de réexamen sur l’éloignement Cet arrêt renforce la sécurité juridique des demandeurs d’asile en précisant les obligations pesant sur les services de l’État durant les phases de réexamen. La juridiction impose le respect d’un cadre légal qui interdit toute mesure d’éloignement tant que la procédure de demande de protection n’est pas achevée. « Il est constant qu’à la date de la décision attaquée l’Office était saisi d’une demande de réexamen à la suite de l’annulation de sa décision ». Cette situation factuelle fait obstacle à ce que l’autorité préfectorale puisse légalement ordonner à l’étranger de quitter la France avant l’issue de l’instruction. La solution adoptée garantit une protection efficace contre les risques de refoulement vers un pays où le ressortissant étranger pourrait être exposé à des traitements inhumains.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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