Cour d’appel administrative de Nancy, le 5 juin 2025, n°23NC03631

La cour administrative d’appel de Nancy, par un arrêt rendu le 5 juin 2025, se prononce sur la légalité d’une autorisation de licenciement pour faute d’un salarié protégé. L’affaire concerne une hôtesse de caisse bénéficiant de mandats syndicaux et représentatifs au sein d’une société de distribution exploitant un hypermarché local. Le 8 novembre 2021, l’employeur a notifié oralement une mise à pied à titre conservatoire à l’intéressée avant de saisir formellement l’administration du travail compétente. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté, le 20 octobre 2023, la demande d’annulation formée par la salariée contre l’autorisation administrative de licenciement subséquente. L’appelante soutient que la procédure est irrégulière en raison du délai excessif séparant sa mise à pied de la saisine effective de l’inspecteur du travail. Elle invoque la méconnaissance des dispositions du code du travail relatives aux délais de consultation du comité social et économique ainsi qu’à la demande d’autorisation. La juridiction doit déterminer si un délai de vingt-deux jours sans rémunération entre la mesure conservatoire et la saisine administrative constitue une erreur de droit. La cour administrative d’appel de Nancy annule le jugement attaqué en jugeant que l’employeur n’a pas respecté l’obligation de célérité inhérente à cette procédure. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord l’exigence de célérité de la procédure avant d’apprécier la protection effective des droits du salarié face aux prérogatives patronales.

I. L’exigence de célérité de la procédure de licenciement du salarié protégé

A. Le cadre temporel strict de la mise à pied conservatoire

Le code du travail encadre rigoureusement la mise à pied d’un représentant du personnel pour garantir la continuité de l’exercice de ses fonctions représentatives essentielles. L’arrêt rappelle qu’en cas de faute grave, l’employeur peut suspendre le contrat jusqu’à l’intervention de la décision administrative sous réserve du respect des délais. La cour précise que « l’employeur est tenu de respecter un délai aussi court que possible pour présenter » sa demande d’autorisation de licenciement à l’inspecteur. Cette obligation jurisprudentielle complète les textes législatifs afin d’éviter que la suspension du contrat ne s’apparente à une sanction disciplinaire déguisée par la direction.

B. La sanction de l’excessive durée du délai de saisine

Le juge administratif examine concrètement la durée de la période durant laquelle le salarié protégé demeure privé de son activité professionnelle ainsi que de sa rémunération. En l’espèce, le délai de vingt-deux jours séparant la mise à pied de la saisine de l’administration est jugé excessif au regard des pièces du dossier. La décision souligne que cette période de vacance salariale constitue une atteinte grave justifiant une vigilance particulière de l’inspecteur du travail lors de son contrôle. La cour administrative d’appel de Nancy sanctionne ainsi le défaut de diligence de l’employeur qui n’a pas agi avec la promptitude requise par la jurisprudence constante. Cette rigueur procédurale assure une transition vers l’examen des justifications que l’employeur pourrait éventuellement avancer pour s’exonérer de ses obligations strictes de célérité.

II. La protection effective des droits du salarié face aux prérogatives de l’employeur

A. L’absence de justification des délais par l’employeur

La méconnaissance des délais prescrits par le code du travail n’entraîne pas automatiquement la nullité de la procédure si des circonstances exceptionnelles sont dûment invoquées. Toutefois, les juges d’appel relèvent ici que l’entreprise « ne fait valoir aucune circonstance particulière justifiant la durée de ce délai » de vingt-deux jours d’attente. L’administration doit s’assurer du respect de cette célérité pour ne pas entacher d’irrégularité la procédure antérieure à sa propre saisine par le chef d’entreprise défaillant. Le silence de l’employeur sur les causes réelles du retard permet au juge d’écarter toute tolérance vis-à-vis de l’étirement excessif de la phase préparatoire litigieuse.

B. La portée de l’annulation pour vice de procédure

L’annulation de l’autorisation de licenciement repose sur le constat d’une erreur de droit commise par l’autorité administrative dans l’exercice de son contrôle de légalité. L’inspecteur du travail aurait dû relever cette « irrégularité qui affecte la légalité interne de la décision » en raison de la gravité de la mesure prise unilatéralement. Cette solution réaffirme que la protection des salariés mandatés repose sur une vérification scrupuleuse des conditions temporelles d’éviction temporaire de l’entreprise par les services déconcentrés. La cour administrative d’appel de Nancy prononce donc l’annulation rétroactive de l’acte administratif et du jugement de première instance sans examiner les autres moyens soulevés.

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Hassan KOHEN
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