Cour d’appel administrative de Nantes, le 11 mars 2025, n°24NT02781

Par un arrêt rendu le 11 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes précise les conditions de validité du désistement d’instance en matière de contentieux fiscal. Une société requérante sollicitait initialement le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée devant le tribunal administratif de Rennes. Par une ordonnance du 17 juillet 2024, le président de la deuxième chambre de cette juridiction a toutefois donné acte de son désistement. La société conteste cette décision en justice, affirmant n’avoir jamais eu l’intention d’abandonner ses prétentions initiales contre l’administration fiscale. Le litige porte ainsi sur l’interprétation d’un courrier adressé au greffe par le précédent conseil de la partie requérante. La Cour administrative d’appel de Nantes doit déterminer si la renonciation d’un avocat à représenter son client équivaut nécessairement à un désistement de l’action. L’examen de la manifestation de volonté de la requérante précède l’analyse des conséquences procédurales de l’irrégularité commise par le premier juge.

I. La distinction nécessaire entre la renonciation au mandat et le désistement d’instance

A. L’ambiguïté terminologique des diligences du conseil

L’article R. 636-1 du code de justice administrative dispose que le désistement peut être valablement accepté par des actes signés des mandataires des parties. En l’espèce, le tribunal administratif de Rennes a reçu une lettre de l’avocat « informant la juridiction qu’elle se désiste de la procédure en cours ». Le premier juge a interprété cette formule comme une volonté claire de mettre fin à l’instance engagée par la société. Or, la Cour administrative d’appel de Nantes relève que ce courrier émanait personnellement du conseil et non de la personne morale représentée. Cette imprécision sémantique imposait une analyse rigoureuse de la portée réelle de la déclaration faite par le professionnel du droit au greffe. L’interprétation souveraine des juges du fond doit toujours rechercher l’intention véritable du plaideur derrière les mots employés par ses représentants successifs.

B. L’exigence d’une volonté claire et non équivoque de la partie

Le juge administratif d’appel souligne que l’avocat n’a pas présenté sa demande pour le compte de son client mais entendait seulement renoncer à sa mission. Dans ces conditions, la requérante « ne pouvait être regardée comme ayant exprimé la volonté de se désister purement et simplement de sa requête ». Le droit au recours impose que le désistement soit le fruit d’un consentement certain et non d’une simple défection du mandataire. La Cour administrative d’appel de Nantes censure ainsi une lecture trop extensive des actes de procédure qui priverait indûment le justiciable d’un procès équitable. Cette solution protège efficacement les intérêts des sociétés dont la défense change en cours d’instance suite à la désignation de nouveaux conseils. L’annulation de l’ordonnance irrégulière devient la conséquence inévitable de cette protection des droits fondamentaux des justiciables devant les juridictions administratives.

II. La sanction de l’irrégularité formelle de l’ordonnance de première instance

A. L’annulation pour erreur manifeste d’appréciation des faits de la cause

L’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Rennes encourt l’annulation dès lors qu’elle repose sur une interprétation erronée des pièces. Le magistrat a méconnu l’étendue de sa compétence en donnant acte d’un désistement qui n’était pas légalement constitué au sens du code. La Cour administrative d’appel de Nantes exerce un contrôle entier sur la qualification juridique des actes de procédure produits lors de l’instruction du dossier. En constatant l’absence de volonté de se désister, les juges d’appel restaurent la validité de la saisine initiale effectuée par la société requérante. Cette décision rappelle que les ordonnances de désistement doivent s’appuyer sur des preuves tangibles de l’abandon définitif des prétentions par le demandeur. L’erreur de droit commise en première instance justifie l’éviction de l’ordonnance attaquée pour permettre une reprise normale du cours de la justice.

B. Le renvoi de l’affaire devant le premier juge pour un examen au fond

Après avoir annulé l’ordonnance litigieuse, la Cour administrative d’appel de Nantes décide de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif de Rennes pour y être jugée. Cette procédure permet de respecter le principe du double degré de juridiction en évitant que l’appel n’épuise immédiatement l’ensemble du contentieux fiscal. Le litige portant sur un crédit de taxe sur la valeur ajoutée nécessite effectivement une instruction approfondie sur les éléments comptables de l’année concernée. La société pourra désormais faire valoir ses arguments devant les juges de première instance, comme elle l’avait initialement prévu avant cet incident procédural. Cette solution garantit la bonne administration de la justice en replaçant les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la décision annulée. Le tribunal administratif de Rennes devra désormais statuer sur le bien-fondé de la demande de remboursement formulée par la société requérante.

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Hassan KOHEN
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