La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 13 juin 2025, un arrêt relatif aux conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile. Cette décision précise les critères permettant à l’administration de rompre les prestations d’hébergement en cas de soustraction à une procédure de transfert européen.
Un ressortissant étranger a sollicité l’asile en France avant de faire l’objet d’une mesure de transfert vers l’Autriche en application du règlement Dublin. L’administration a constaté que l’intéressé s’était soustrait à cette mesure d’éloignement avant de supprimer le bénéfice de ses conditions matérielles d’accueil.
Le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d’annulation de cette suppression par un jugement rendu le 5 novembre 2024. Le requérant a interjeté appel en invoquant notamment l’insuffisance de motivation ainsi qu’une erreur manifeste dans l’appréciation de sa vulnérabilité personnelle.
Le juge administratif doit déterminer si la fuite d’un demandeur d’asile sous procédure de transfert justifie légalement la fin du bénéfice des conditions matérielles d’accueil. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en estimant que le comportement du requérant constitue un manquement délibéré aux exigences des autorités.
La cour administrative d’appel de Nantes analyse d’abord la légalité de la suppression des aides avant d’apprécier la situation de vulnérabilité invoquée par l’intéressé.
I. La caractérisation du manquement aux exigences des autorités chargées de l’asile
La juridiction administrative valide la décision de l’administration en se fondant sur le comportement obstructif du demandeur d’asile durant la phase de transfert.
A. La constatation souveraine d’une soustraction à la mesure de transfert
L’arrêt souligne que le bénéficiaire des conditions d’accueil a « méconnu son obligation de respecter les exigences des autorités chargées de l’asile ». Les juges relèvent précisément que l’intéressé a pris « la fuite le 6 août 2024 avant d’être transféré vers l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande ».
Cette constatation factuelle permet de qualifier juridiquement le comportement du requérant au regard des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers. La cour administrative d’appel de Nantes refuse ainsi d’accorder le bénéfice du doute à un étranger qui se soustrait volontairement à la procédure.
B. La base légale de la suppression des conditions matérielles d’accueil
Le code prévoit qu’il est mis fin aux conditions d’accueil si le demandeur ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l’instruction. En l’espèce, la juridiction estime que la rupture des aides est la conséquence directe de la fuite constatée lors de l’exécution du transfert.
L’application de l’article L. 551-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est ici rigoureuse car elle sanctionne l’absence de coopération. Le juge confirme que le maintien des prestations financières et d’hébergement est conditionné au respect scrupuleux des obligations procédurales imposées par l’administration.
Le constat de ce manquement n’exclut cependant pas un examen attentif de la situation personnelle du requérant par le juge de l’excès de pouvoir.
II. L’appréciation de la vulnérabilité comme limite au pouvoir de l’administration
La cour administrative d’appel de Nantes vérifie si la décision de suppression ne porte pas une atteinte excessive aux besoins fondamentaux du demandeur.
A. L’obligation de prise en compte des circonstances particulières du demandeur
La loi impose que toute décision mettant fin aux conditions matérielles d’accueil prenne impérativement en compte la vulnérabilité particulière de chaque demandeur d’asile. Le juge doit s’assurer que l’administration n’a pas ignoré des éléments de fragilité physique ou psychique qui rendraient la sanction disproportionnée.
Le requérant invoquait ici l’absence totale de ressources financières et de solution d’hébergement pour contester la légalité de la décision administrative attaquée. Cette garantie textuelle constitue le dernier rempart contre une précarité extrême qui serait contraire aux objectifs de la directive européenne relative à l’accueil.
B. Le contrôle restreint du juge sur l’erreur manifeste d’appréciation
La cour rejette le moyen en soulignant qu’en « l’absence de circonstances particulières », la vulnérabilité invoquée ne suffit pas à invalider la décision. Les juges notent que l’intéressé avait déclaré « être hébergé par un ami de manière stable » lors de son entretien individuel initial.
L’absence d’éléments nouveaux apportés par le requérant durant la phase d’appel conduit la juridiction à confirmer l’inexistence d’une erreur manifeste d’appréciation. La cour administrative d’appel de Nantes maintient ainsi un équilibre entre la sanction du comportement fuyard et la protection minimale due aux étrangers.