Cour d’appel administrative de Nantes, le 15 juillet 2025, n°24NT02229

La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision rendue le 15 juillet 2025, précise les modalités d’appréciation des preuves de filiation dans le cadre de la réunification familiale. Une ressortissante étrangère, reconnue réfugiée en France, sollicite un visa de long séjour pour un enfant présenté comme son fils. L’autorité consulaire puis la commission de recours rejettent cette demande en invoquant une manœuvre frauduleuse. Le tribunal administratif de Nantes rejette le recours de l’intéressée le 3 juin 2024 sans répondre à un moyen relatif à la possession d’état. Saisie en appel, la juridiction administrative doit déterminer si les documents produits et les éléments de fait suffisent à établir légalement le lien de parenté allégué. La Cour annule le premier jugement pour irrégularité avant de rejeter la demande au fond après avoir relevé des incohérences majeures dans les pièces d’état civil.

I. L’exercice du contrôle de l’authenticité des actes d’état civil

A. La mise en œuvre de la présomption de validité des actes étrangers

Le droit à la réunification familiale permet au réfugié d’être rejoint par ses enfants mineurs sous réserve de justifier de leur identité et du lien familial. Selon l’article L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la vérification des actes s’effectue selon le code civil. La Cour rappelle que « la force probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier ». Le juge administratif forme alors sa conviction en examinant l’ensemble des éléments produits par les parties durant l’instruction. Cette méthode impose une analyse globale des documents sans se limiter à leur seule apparence matérielle. L’administration doit apporter des indices sérieux pour renverser la présomption d’authenticité attachée aux actes dressés par les autorités locales.

B. Le renversement de la force probante par la preuve de la fraude

La décision souligne que les documents produits ne sont pas probants en raison de contradictions manifestes avec les déclarations antérieures de la requérante. Le jugement supplétif mentionne l’intervention du père biologique alors que celui-ci était déclaré disparu depuis plusieurs années auprès des autorités françaises de l’asile. L’acte de naissance indique également que la mère a comparu en personne devant l’officier d’état civil étranger à une date où elle résidait en France. La Cour estime que ces éléments empêchent de regarder l’identité et le lien de filiation comme légalement établis. Elle précise que « l’autorité diplomatique ou consulaire n’est en droit de rejeter la demande de visa (…) que pour un motif d’ordre public ». L’absence de caractère probant des actes constitue un tel motif justifiant légalement le refus de délivrer le titre de voyage sollicité.

II. L’encadrement strict des modes alternatifs de preuve de la filiation

A. Le caractère supplétif des éléments de possession d’état

En l’absence d’actes d’état civil authentiques, les requérants peuvent invoquer la possession d’état pour démontrer un lien de parenté effectif et notoire. La requérante se prévalait ici de la mention de l’enfant dans son dossier de demande d’asile et d’échanges de messages ponctuels. Les juges considèrent que « cet élément ne suffit pas à lui seul pour que celle-ci soit établie » de manière suffisante et circonstanciée. La possession d’état suppose une réunion de faits indiquant le rapport de filiation entre un individu et la famille à laquelle il dit appartenir. De simples déclarations administratives ou des contacts sporadiques ne permettent pas de compenser les graves anomalies décelées dans les documents officiels. Le juge maintient une exigence de preuve élevée pour prévenir tout risque de fraude documentaire dans ces procédures sensibles.

B. La préservation de l’équilibre entre vie familiale et ordre public

Le rejet de la demande de visa n’est jugé contraire ni à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ni à l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour considère que l’absence de lien de parenté établi fait obstacle à la reconnaissance d’une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale. Les stipulations internationales protègent les relations familiales réelles mais ne sauraient imposer l’accueil d’un mineur dont l’identité demeure incertaine. L’arrêt confirme que la décision contestée ne méconnaît pas l’article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. La rigueur de l’examen judiciaire assure ainsi la protection de l’institution de l’état civil contre les tentatives d’obtention indue de droits au séjour. La juridiction administrative rejette finalement les conclusions de la requérante tout en annulant le jugement de première instance pour omission à statuer.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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