Cour d’appel administrative de Nantes, le 23 septembre 2025, n°24NT03363

La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision du 23 septembre 2025, statue sur les conditions de déductibilité des charges et de régularité procédurale. Une société d’ingénierie a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos entre 2011 et 2013. L’administration a remis en cause la réalité de plusieurs prestations de services facturées par des sociétés liées, ainsi que la comptabilisation de certains produits. La contribuable a saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 3 octobre 2024, a rejeté l’intégralité de ses prétentions. La société interjette appel en contestant la régularité de la procédure suivie et le bien-fondé des rappels d’impôts et des pénalités appliquées. Le litige porte sur l’administration de la preuve de la réalité des charges et sur l’information du contribuable quant aux renseignements obtenus auprès de tiers. La juridiction d’appel doit déterminer si des documents de présentation générale suffisent à justifier la matérialité d’une étude technique onéreuse déduite du bénéfice imposable. Le juge d’appel fait droit partiellement aux demandes de la requérante en distinguant les opérations dépourvues de substance des erreurs matérielles de facturation.

I. L’appréciation de la réalité matérielle des opérations économiques

A. Le rejet de la taxation d’un produit résultant d’une erreur de facturation

L’administration a réintégré une somme de 80 000 euros dans les résultats de l’exercice 2012 au motif qu’une facture de prestation avait été émise. La société soutenait que ce document résultait d’une erreur matérielle et qu’elle n’avait pas les compétences techniques pour réaliser la mission facturée. Les juges relèvent le virement rapide des fonds vers le prestataire réel et l’absence de contestation par le service de l’incompétence de la société. La Cour administrative d’appel de Nantes juge que « c’est à tort que l’administration fiscale a considéré la somme facturée comme un produit imposable ». La réalité économique de l’opération prévaut ainsi sur l’apparence comptable créée par l’émission erronée d’une facture de service par la contribuable vérifiée.

B. L’insuffisance de documents de vulgarisation pour justifier une charge technique

Une charge de 700 000 euros relative à une étude de pré-industrialisation a été rejetée faute de justificatifs probants quant à sa réalité matérielle. Le contribuable présentait un support de type PowerPoint décrivant des développements généraux sur les nanoparticules pour justifier le montant élevé de la prestation de service. La juridiction estime que ce document de vulgarisation « n’est pas de nature à démontrer l’existence d’une prestation d’étude » menée par le partenaire technique. L’absence de précision sur la faisabilité industrielle du procédé empêche de considérer la dépense comme une charge effectivement engagée dans l’intérêt de l’entreprise. En revanche, la déduction d’une licence de technologie est admise car la matérialité du transfert est établie par la production effective de sprays.

II. La protection du contribuable face aux prérogatives et sanctions de l’administration

A. L’étroitesse de l’obligation d’information sur les renseignements obtenus auprès de tiers

L’administration doit informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements obtenus de tiers avant toute mise en recouvrement des impositions. Cette garantie, prévue à l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, permet au contribuable de discuter utilement les éléments fondant son redressement. En l’espèce, le vérificateur a utilisé des informations recueillies lors de l’audition du secrétaire général d’une société membre du même groupe économique. Les juges considèrent que ces éléments, provenant d’une personne mandatée par la contribuable, « n’émanaient pas de tiers » au sens de la loi fiscale. Le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense est donc écarté car la garantie procédurale ne s’applique pas aux informations internes.

B. La nécessité d’une preuve certaine du manquement délibéré pour justifier les majorations

L’application de la majoration de 40 % suppose que l’administration démontre l’intention du contribuable d’éluder l’impôt par des manquements délibérés et conscients. Le juge décharge la société des pénalités concernant l’omission d’un produit dès lors que des difficultés techniques justifiaient l’absence de comptabilisation immédiate. L’omission de l’inscription d’une provision ne révèle pas, selon la Cour, « une volonté d’éluder l’impôt » dans un contexte de litige commercial. La majoration est toutefois maintenue pour la charge fictive de 700 000 euros car la société ne pouvait ignorer le caractère indu de cette déduction. L’administration apporte alors la preuve de la mauvaise foi en soulignant l’absence totale de justificatifs pour une dépense d’un montant aussi significatif.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture