Cour d’appel administrative de Nantes, le 28 avril 2025, n°25NT00967

Le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Nantes a rendu une ordonnance le 28 avril 2025 concernant la suspension d’ordres de recouvrer. Des aides agricoles ont été versées à une société civile d’exploitation agricole entre 2011 et 2015 avant sa dissolution amiable ultérieure. L’administration a ensuite émis plusieurs titres de perception à l’encontre d’une associée pour obtenir le remboursement de ces sommes indûment perçues. Le Tribunal administratif de Nantes a rejeté les demandes d’annulation de ces actes par un jugement rendu le 15 janvier 2025. L’intéressée a interjeté appel de cette décision et a saisi parallèlement le juge des référés d’une demande de suspension de l’exécution des titres. Elle invoque l’urgence liée à sa situation financière précaire ainsi que plusieurs moyens de légalité interne et externe à l’appui de sa requête. La requérante soutient notamment que les créances seraient prescrites et que la procédure contradictoire n’aurait pas été respectée lors de l’émission des ordres. La juridiction doit déterminer si les moyens soulevés sont de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions de recouvrement. Le magistrat rejette la requête en considérant qu’aucun argument ne présente le caractère de sérieux requis par le code de justice administrative. L’étude de cette décision permet d’analyser la rigueur du contrôle exercé par le juge de l’urgence sur les procédures de recouvrement des créances publiques.

I. La primauté de la condition relative au doute sérieux sur la légalité

A. L’examen rigoureux des moyens de légalité par le juge des référés

L’article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension d’un acte administratif à l’existence d’un doute sérieux quant à sa légalité. L’ordonnance précise qu’ « en l’état de l’instruction, les moyens invoqués (…) ne sont pas susceptibles de faire naitre un doute sérieux sur la légalité ». Les critiques relatives à la prescription quadriennale et à l’insuffisance de motivation ne sont pas retenues comme étant suffisamment probantes par le magistrat. Le juge estime que les éléments produits ne permettent pas de remettre en cause la présomption de légalité dont bénéficient les actes administratifs. Cette approche confirme que le juge du référé-suspension n’est pas le juge du fond et se limite à une appréciation d’évidence. La solution retenue souligne l’importance pour le justiciable d’apporter des preuves tangibles dès le stade de la procédure d’urgence devant la juridiction.

B. L’économie de l’analyse des conditions d’urgence et de recevabilité

La constatation de l’absence de doute sérieux dispense le juge d’examiner les autres conditions cumulatives prévues par les textes en vigueur pour la suspension. Le juge rejette la requête « sans qu’il soit besoin d’examiner ni la fin de non-recevoir opposée en défense, ni la condition tenant à l’urgence ». Cette économie de moyens est classique dans le cadre du contentieux des référés lorsque la première condition de fond fait défaut pour le demandeur. La décision rappelle que le mécanisme de la suspension demeure exceptionnel et strictement encadré par les exigences de la procédure contentieuse administrative. Le rejet immédiat de la requête illustre la volonté de ne pas paralyser l’action de recouvrement sans un motif juridique particulièrement solide. Le magistrat assure ainsi un équilibre entre la protection du justiciable et l’efficacité de l’exécution des décisions prises par l’administration.

II. Le rejet des contestations techniques portant sur le recouvrement des aides

A. L’inefficacité des moyens relatifs à la prescription et à la procédure

La requérante fondait ses prétentions sur le règlement européen relatif à la protection des intérêts financiers de l’Union pour invoquer la prescription des dettes. Le juge des référés écarte ce moyen en considérant qu’il ne crée pas un doute sérieux sur la validité des créances publiques en litige. Les arguments portant sur l’absence de procédure contradictoire et sur la méconnaissance du code civil n’emportent pas davantage la conviction de la juridiction. Cette appréciation rigoureuse montre que les règles de prescription et de responsabilité des associés ne constituent pas des obstacles manifestes au recouvrement immédiat. Le magistrat semble privilégier la continuité des procédures engagées par l’établissement public pour la récupération des aides agricoles indûment versées par le passé. Cette position renforce la sécurité juridique des créances administratives face à des contestations fondées sur des moyens de légalité externe ou interne.

B. La validation judiciaire de la procédure de récupération des fonds indus

L’ordonnance du 28 avril 2025 confirme la validité apparente des titres de perception émis pour des campagnes agricoles remontant à plus de dix ans. Le juge de l’urgence valide ainsi la méthode de liquidation employée par l’administration malgré les critiques formulées sur la précision des calculs techniques. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui limite l’intervention du juge des référés en matière de recouvrement forcé des créances publiques. La portée de cet acte réside dans la confirmation que la situation financière difficile du débiteur ne suffit pas à justifier une suspension. Les juridictions administratives maintiennent une exigence élevée de légalité pour interrompre l’exécution des titres de recettes émis par l’autorité compétente de l’État. Le rejet des conclusions fondées sur les frais de procédure souligne enfin le caractère infondé de la démarche contentieuse entreprise par l’intéressée.

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Hassan KOHEN
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