La Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt du 29 septembre 2025, statue sur la légalité formelle de décisions ordonnant des fouilles intégrales. Cette affaire interroge l’obligation pour l’administration d’identifier l’auteur d’un acte faisant grief au sein des établissements de détention.
Un détenu a subi deux ordres de fouilles à nu le 2 décembre 2020 lors de mouvements au sein de l’établissement. Ces mesures ont été décidées au retour de la promenade de l’après-midi puis lors d’un placement en quartier de discipline.
Le tribunal administratif de Nantes a annulé ces deux décisions par un jugement rendu le 31 décembre 2024 pour méconnaissance des règles de forme. L’administration a alors formé un recours devant la juridiction d’appel afin de contester cette annulation et de valider les mesures litigieuses.
L’autorité administrative soutient que les agents étaient identifiables via une application informatique et des rapports de service rédigés après les faits. Le litige porte sur la question de savoir si l’identification de l’auteur par des outils internes suffit à régulariser une décision non signée. Les juges considèrent que l’absence de mention du nom et de signature manuscrite constitue une irrégularité privant l’administré d’une garantie substantielle.
L’analyse de cette solution impose d’examiner l’exigence de régularité formelle de l’acte administratif (I) avant de souligner la portée de la protection accordée au justiciable (II).
I. L’exigence de régularité formelle de l’acte administratif individuel
A. Le respect impératif des mentions prescrites par le code des relations entre le public et l’administration
La juridiction administrative rappelle que toute décision prise par une autorité doit comporter la signature de son auteur ainsi que ses prénoms et noms. L’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration impose effectivement ces mentions pour garantir la transparence de l’action publique. En l’espèce, les documents produits en première instance ne comportaient aucune signature, ni même le matricule ou la qualité de l’agent décisionnaire. Cette carence formelle entache l’acte d’un vice dont la gravité doit être appréciée au regard des droits reconnus aux administrés par le législateur.
B. L’insuffisance des éléments d’identification extrinsèques à l’acte administratif
L’administration invoquait la possibilité d’identifier les auteurs grâce à un logiciel de gestion interne et des rapports d’enquête rédigés par les services compétents. Toutefois, la juridiction administrative rejette cet argument en soulignant que ces informations n’étaient pas accessibles au destinataire de la mesure au moment de son exécution. Le juge précise qu’il ne ressort pas des pièces que les éléments d’identification « auraient été accessibles » afin de permettre de reconnaître les signataires sans ambiguïté. La régularité de la décision s’apprécie donc au regard des seules mentions portées sur l’acte notifié ou communiqué à la personne directement concernée.
Cette rigueur formelle se justifie par la nécessité de protéger les droits de la personne détenue face à des mesures particulièrement attentatoires aux libertés individuelles.
II. La sanction de la méconnaissance d’une garantie au profit du détenu
A. La qualification de l’identification de l’auteur comme garantie substantielle de l’administré
Le défaut de signature et d’identification de l’auteur ne constitue pas un simple vice de forme sans incidence sur la légalité de la mesure prise. Le juge administratif considère que « l’intéressé a été privé de la garantie, accordée aux administrés par le législateur » de pouvoir identifier l’auteur d’une décision. Cette qualification juridique est essentielle car elle permet d’annuler l’acte sans que le requérant ait besoin de démontrer l’existence d’un grief spécifique. La possibilité de connaître l’autorité responsable permet d’assurer l’exercice effectif des voies de recours et de vérifier la compétence réelle de l’agent signataire.
B. Les conséquences du défaut de signature sur le contrôle des mesures de sûreté
La solution retenue par la Cour administrative d’appel de Nantes confirme l’application de la jurisprudence classique relative aux vices de procédure en milieu carcéral. En rejetant la requête de l’administration, le juge administratif affirme la primauté du respect des formes protectrices sur les contraintes opérationnelles de la gestion quotidienne. Les mesures de fouilles intégrales doivent ainsi être entourées d’un formalisme strict pour éviter tout arbitraire et garantir le respect de la dignité humaine. Cette décision renforce la sécurité juridique des actes administratifs individuels en exigeant une clarté totale sur l’identité de l’autorité qui exerce ses prérogatives de puissance publique.