La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 4 février 2025, un arrêt relatif à l’imposition des gains réalisés par un joueur de poker. Le litige concernait l’assujettissement à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, d’un gain perçu lors d’un tournoi en ligne. Le requérant avait sollicité un rescrit fiscal après avoir remporté une somme de cent sept mille euros au cours de l’année deux mille dix-neuf. L’administration estimait que ce profit présentait un caractère taxable en raison de la pratique habituelle de cette activité ludique par le contribuable. Le tribunal administratif de Caen avait précédemment rejeté la demande de décharge, maintenant l’imposition principale tout en supprimant une majoration de la base. Le requérant soutenait en appel que ses résultats chroniquement déficitaires excluaient toute qualification d’activité professionnelle malgré l’importance de ce gain unique. La juridiction devait déterminer si la pratique régulière du poker permettait de caractériser une maîtrise de l’aléa générant des revenus imposables au sens du code. La cour censure le raisonnement du service en considérant que l’absence de gains réguliers sur une longue période interdit de qualifier le joueur de professionnel.
I. La définition rigoureuse des conditions d’imposition des jeux de cercle
La cour rappelle d’abord les critères permettant de soumettre les gains de jeu aux dispositions de l’article quatre-vingt-douze du code général des impôts. « Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative », le service peut imposer les gains issus d’un savoir-faire spécifique. Le juge exige que le joueur maîtrise « de façon significative l’aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu’il développe ». Cette maîtrise doit impérativement se traduire par la perception de « revenus significatifs » pour le contribuable concerné par la procédure de redressement fiscal.
A. La persistance du critère technique de la maîtrise de l’aléa
Le droit fiscal distingue les jeux de pur hasard des activités où l’habileté du joueur influence le résultat financier de manière tout à fait déterminante. La jurisprudence considère que le poker appartient à cette catégorie lorsque la répétition des parties atténue les risques liés à la distribution des cartes. Le texte souligne que cette maîtrise s’apprécie au regard des « qualités et le savoir-faire » déployés par l’intéressé durant ses nombreuses sessions de jeu. La seule pratique habituelle demeure insuffisante pour justifier une imposition si l’aléa continue de peser majoritairement sur les perspectives de profits réels du contribuable.
B. La nécessité d’une exploitation lucrative et régulière
L’imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux suppose l’existence d’une véritable source de profit présentant un caractère certain de permanence ou de régularité. La cour administrative d’appel précise que les gains doivent constituer une « source régulière de revenus » pour entrer dans le champ d’application de la loi fiscale. Une activité exercée à raison de « dix à quinze heures hebdomadaires » caractérise une habitude, mais ne suffit pas à démontrer une intention lucrative réelle. Le juge lie étroitement la qualification d’occupation lucrative à la capacité du joueur à dégager des bénéfices constants grâce à sa technique de jeu.
II. L’application pragmatique au bilan financier du joueur
Les magistrats nantais opèrent une analyse concrète de la situation économique du requérant sur une période dépassant largement la seule année d’imposition initialement litigieuse. Ils constatent que le gain exceptionnel ne compense pas les pertes accumulées par l’intéressé depuis le début de sa pratique du poker en ligne. Cette approche globale permet d’écarter la qualification de professionnel pour un joueur dont la stratégie n’aboutit pas à un enrichissement net sur le long terme.
A. La neutralisation du gain exceptionnel par l’analyse pluriannuelle
La cour relève que « les résultats nets sont négatifs sur toute la période 2010-2023, à l’exception de l’année 2019, en raison de son gain exceptionnel ». Cette observation factuelle interdit de considérer que le joueur domine l’aléa puisque ses pertes globales excèdent ses rares succès lors des tournois organisés. Un gain unique, même d’un montant élevé, ne saurait suffire à transformer une activité de loisir déficitaire en une profession libérale imposable par l’administration. La solution retenue protège les joueurs réguliers qui, malgré une pratique assidue, ne parviennent pas à faire de leur passion une véritable source de revenus.
B. L’échec de la preuve incombant à l’administration fiscale
La décision rappelle fermement que « le service ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une activité occulte » dans cette affaire précise. Il appartient à l’administration de démontrer que le contribuable dispose de revenus réguliers et significatifs avant de procéder à une quelconque taxation d’office. Faute de prouver une maîtrise réelle de l’aléa ayant conduit à des profits constants, le fisc ne peut valablement imposer des gains purement aléatoires. L’annulation du jugement de première instance consacre ainsi la primauté de la réalité économique sur la simple fréquence temporelle de la pratique du jeu.