La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 11 avril 2025, une décision précisant le régime des contrôles portant sur les comptabilités informatisées. Une entreprise exploitant plusieurs salons de coiffure a fait l’objet d’une vérification de comptabilité ayant entraîné d’importants rehaussements d’impositions. L’administration fiscale a écarté la comptabilité présentée après avoir découvert l’usage d’un logiciel permettant la dissimulation de recettes encaissées en espèces. Le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de décharge des impositions supplémentaires par un jugement rendu le 9 novembre 2023. La requérante soutient que son logiciel de caisse ne constitue pas un système informatisé de tenue de comptabilité au sens du livre des procédures fiscales. Elle invoque également l’irrégularité de la procédure de traitement informatique et critique la méthode de reconstitution de son chiffre d’affaires. La juridiction d’appel doit déterminer si des équipements participant indirectement à la centralisation des recettes entrent dans le champ du contrôle informatisé. La Cour confirme que de tels outils concourent à l’établissement de la comptabilité dès lors qu’ils servent de base aux écritures comptables. L’analyse portera sur la qualification juridique des systèmes informatisés de tenue de comptabilité avant d’étudier la régularité des opérations de reconstitution.
I. La qualification juridique extensive des systèmes de tenue de comptabilité
A. L’inclusion des logiciels de gestion participant à la formation des résultats
Le juge administratif rappelle que la notion de système informatisé de tenue de comptabilité englobe les logiciels participant même indirectement à la centralisation des recettes. La Cour précise que doivent être regardés comme tels « les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant à la centralisation des recettes journalières ». Cette définition permet aux agents de l’administration d’exercer leur droit de contrôle sur des données qui ne sont pas strictement comptables par nature.
L’application de ce principe à l’espèce conduit à qualifier le logiciel de gestion de système de tenue de comptabilité au sens de l’article L. 47 A. Les données enregistrées servent sans retraitement à l’enregistrement des recettes et à la détermination des résultats comptables de la société vérifiée. Le juge écarte l’argument relatif à l’impossibilité de reconstituer un chemin de révision conforme au plan comptable général pour l’application de ces dispositions.
B. L’absence d’exigence d’une liaison informatique directe avec le progiciel
La qualification de système informatisé demeure acquise même si la transmission des données vers le cabinet comptable s’effectue sous un format papier édité. La Cour affirme qu’est « sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel ». L’essentiel réside dans le fait que ces informations concourent effectivement à l’établissement des documents comptables et fiscaux obligatoires de l’entreprise.
Cette solution évite que les contribuables ne soustraient leurs données de caisse au contrôle informatisé en rompant volontairement la chaîne de transmission numérique. L’administration peut donc procéder à des traitements sur des fichiers qui, bien qu’autonomes, constituent la source primaire des écritures figurant au grand livre. La distinction entre le module de caisse et le module de bureau ne fait pas obstacle à cette analyse globale du système informatique.
II. La régularité des opérations de contrôle et la validation de la fraude
A. Le respect limité du formalisme lors de la communication des traitements
La société requérante conteste la régularité de la procédure en soutenant qu’elle n’a pas pu exercer son choix quant au support de transmission. Le juge considère qu’aucune disposition législative n’impose un formalisme particulier pour recueillir le choix du contribuable lors d’une saisie informatique. Il souligne que ce choix « pouvait être proposé oralement » lors d’une réunion de synthèse, l’administration n’étant pas tenue de le formaliser par écrit.
Par ailleurs, la juridiction distingue nettement la procédure de visite domiciliaire de celle de la vérification de comptabilité ultérieure pour l’application des garanties. Les traitements réalisés sur les fichiers saisis dans le cadre de la police fiscale ne sont pas soumis aux options de l’article L. 47 A. L’administration doit simplement communiquer la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés avant l’envoi de la proposition de rectification.
B. La pertinence de la méthode de reconstitution extra-comptable
L’utilisation d’un logiciel frauduleux est caractérisée par la présence de marqueurs techniques et l’existence d’incohérences manifestes entre les différents fichiers informatiques saisis. La Cour relève que le montant des recettes en espèces a été réduit par l’utilisation d’un module externe permettant des suppressions de lignes. Ces modifications régulières sur les données de caisse ne pouvaient procéder que d’une volonté manifeste de supprimer des recettes pour éluder l’impôt.
La méthode de reconstitution est validée car elle s’appuie sur la comparaison entre des fichiers d’opérations modifiables et des fichiers de clients restés intègres. Le service a calculé le montant moyen des suppressions opérées en se fondant sur des fichiers qui « contribuent à la détermination du résultat comptable ». Faute pour la société de proposer une méthode alternative plus précise, l’évaluation de l’administration n’est regardée ni comme excessivement sommaire ni comme viciée.