Cour d’appel administrative de Paris, le 13 juin 2025, n°24PA01253

La cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 13 juin 2025, une décision relative aux conséquences juridiques de l’octroi du statut de réfugié. Un ressortissant étranger a contesté une obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre par l’autorité administrative en novembre 2023.

Le tribunal administratif de Paris a rejeté son recours par un jugement du 7 février 2024 dont l’intéressé a relevé appel. Postérieurement à ce jugement, la Cour nationale du droit d’asile a reconnu au requérant la qualité de réfugié par une décision du 21 février 2024.

L’administration a alors soutenu que le litige était devenu sans objet, demandant ainsi à la juridiction d’appel de prononcer un non-lieu à statuer. La question est de savoir si la reconnaissance de la qualité de réfugié entraîne de plein droit l’annulation d’une mesure d’éloignement restée inexécutée. La juridiction d’appel écarte l’exception de non-lieu et annule l’arrêté contesté en raison du caractère recognitif de la protection internationale accordée. L’examen du maintien de l’objet du litige précédera l’analyse du défaut de base légale affectant la mesure d’éloignement.

I. La persistance de l’objet du litige face à l’inaction administrative

A. Le rejet de l’exception de non-lieu à statuer

L’administration prétendait que la reconnaissance du statut de réfugié faisait perdre son objet au recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire. La cour administrative d’appel souligne que l’autorité « n’a ni retiré cet arrêté ni abrogé celui-ci » malgré ses obligations légales. L’acte contesté continuait donc de produire des effets juridiques dans l’ordonnancement interne au moment où les juges d’appel devaient statuer. La persistance de la décision administrative justifie le maintien de l’intérêt à agir et interdit le prononcé d’un non-lieu à statuer. Cette solution garantit le droit au recours effectif contre une mesure qui, bien que devenue illégale, subsiste formellement dans le dossier.

B. L’inexécution de l’obligation légale d’abrogation

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose d’abroger toute mesure d’éloignement antérieure au statut. L’article L. 613-6 prévoit cette obligation impérative dès lors que la qualité de réfugié est officiellement reconnue à un ressortissant étranger. En l’espèce, l’administration s’est abstenue de procéder à cette abrogation obligatoire malgré la décision favorable rendue par la Cour nationale du droit d’asile. La cour administrative d’appel sanctionne cette passivité en rappelant que le litige conserve son objet tant que l’acte n’a pas disparu. L’absence d’exécution de la mesure d’éloignement ne suffit pas à rendre le recours inutile sans une annulation formelle par l’administration.

II. L’annulation de l’éloignement par l’effet rétroactif de la protection

A. La portée recognitive de la décision de la Cour nationale du droit d’asile

Le juge d’appel fonde sa décision sur le principe selon lequel la reconnaissance de la qualité de réfugié possède un caractère recognitif. Cette décision « est réputée rétroagir à la date d’entrée en France de l’intéressé », consacrant ainsi un statut préexistant à la constatation. La protection internationale ne crée pas le droit mais se borne à en constater l’existence depuis le premier jour de présence. Cette rétroactivité constitue la pierre angulaire du raisonnement juridique suivi par la cour administrative d’appel de Paris pour apprécier l’arrêté. L’autorité de la chose décidée par la juridiction de l’asile s’impose rétroactivement à toutes les décisions administratives prises durant la période intermédiaire.

B. La disparition rétroactive de la base légale de l’arrêté

La rétroactivité du statut de réfugié entraîne mécaniquement l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français édictée avant la décision de protection. La cour administrative d’appel juge que « la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ». L’intéressé étant considéré comme réfugié depuis son entrée en France, il ne pouvait légalement faire l’objet d’une mesure d’éloignement. L’annulation de l’arrêté préfectoral par les juges d’appel découle directement de cette impossibilité juridique de maintenir un acte contraire au statut. Le jugement de première instance est annulé car il n’avait pas pu prendre en compte l’effet rétroactif de la protection reconnue.

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Hassan KOHEN
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