La Cour administrative d’appel de Paris, par une décision du 16 avril 2025, a examiné la légalité d’une obligation de quitter le territoire français. Un ressortissant ivoirien, entré en France en juin 2023, a fait l’objet d’un arrêté préfectoral le 8 février 2024. Cet acte lui imposait un départ immédiat vers son pays d’origine et prononçait une interdiction de retour sur le territoire national pour une année. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté par un jugement rendu le 5 avril 2024. Le requérant a interjeté appel devant la juridiction supérieure en invoquant notamment la reconnaissance de la qualité de réfugiée de sa fille mineure. La juridiction d’appel devait déterminer si une décision de protection internationale postérieure à l’acte attaqué pouvait justifier son annulation rétroactive. La Cour a accueilli les conclusions du requérant en se fondant sur la protection de l’enfance (I) et l’effet recognitif du statut de réfugié (II).
I. L’annulation de la mesure d’éloignement fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant
La Cour administrative d’appel de Paris applique scrupuleusement les stipulations internationales relatives à la protection de la jeunesse lors de l’examen des décisions préfectorales. Elle privilégie d’abord le respect de l’intérêt supérieur de la mineure avant de constater l’impact des changements de circonstances sur la légalité de l’acte.
A. La primauté de l’intérêt de l’enfant au regard des attaches familiales
Les juges rappellent que, selon la convention internationale relative aux droits de l’enfant, « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Cette règle impose aux autorités administratives de privilégier le maintien de l’unité familiale lorsque des liens effectifs sont dûment établis entre les parents et leurs enfants. Le préfet ne contestait pas la réalité de la relation entre le requérant et sa fille résidant régulièrement sur le sol français. La décision d’éloignement méconnaissait donc l’obligation de placer le bien-être de la mineure au cœur du processus décisionnel administratif concernant son père.
B. La prise en compte d’un événement protecteur postérieur à l’acte attaqué
La solution retenue par la juridiction d’appel repose sur l’existence d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile intervenue après l’arrêté litigieux. Cette protection juridique s’étend aux événements familiaux importants survenus après l’adoption de l’acte administratif contesté par le requérant. Bien que la protection internationale ait été accordée en juillet 2024, elle exerce une influence déterminante sur la légalité de l’acte de février. L’annulation de l’éloignement devient nécessaire dès lors que la situation familiale de l’étranger justifie désormais un droit au séjour.
II. L’efficacité du caractère recognitif du statut de réfugié sur la légalité de l’acte
L’annulation de l’arrêté trouve également son fondement dans la nature spécifique de la protection accordée à l’enfant par la Cour nationale du droit d’asile. La juridiction analyse la portée rétroactive de cette protection avant de déterminer les mesures d’injonction nécessaires au rétablissement des droits.
A. La portée juridique de la reconnaissance rétroactive de la qualité de réfugié
La Cour administrative d’appel de Paris souligne que « le caractère recognitif de la reconnaissance du statut de réfugié » permet au requérant de s’en prévaloir utilement. Cette notion juridique signifie que la personne est considérée comme réfugiée depuis le dépôt de sa demande et non à partir de la décision. Le juge de l’excès de pouvoir doit donc tenir compte de cette réalité préexistante pour apprécier la validité de la mesure d’éloignement initiale. L’erreur commise par l’administration, bien qu’involontaire au moment de la signature de l’arrêté, justifie l’annulation totale des décisions de police.
B. Les conséquences sur les mesures accessoires et les injonctions de réexamen
Le constat de cette rétroactivité implique nécessairement la disparition des mesures de contrainte associées à l’éloignement. L’annulation de l’obligation de quitter le territoire entraîne mécaniquement celle du pays de renvoi, du refus de délai et de l’interdiction de retour. La juridiction impose au préfet de retirer le signalement de l’intéressé dans le système d’information Schengen pour rétablir sa situation juridique normale. Le présent arrêt ordonne également un nouvel examen de la demande de séjour avec la délivrance d’une autorisation provisoire de travail.