La cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 17 janvier 2025, une décision relative à la légalité d’une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance. Cet arrêt interroge l’équilibre nécessaire entre la préservation de l’ordre public et le respect des libertés individuelles dans un contexte de menace terroriste. L’administration avait imposé au requérant des restrictions de déplacement et une obligation de présentation quotidienne aux services de police pour une durée de trois mois. Le requérant a contesté cette décision devant le tribunal administratif, qui a rejeté sa demande par un jugement du 8 août 2024. Saisie en appel, la juridiction devait déterminer si le comportement de l’intéressé justifiait légalement de telles mesures de sûreté. La Cour confirme la solution des premiers juges en retenant la matérialité de la menace et la proportionnalité des obligations imposées. Il convient d’analyser d’abord la réunion des conditions légales justifiant la mesure avant d’étudier la validation du contrôle de proportionnalité opéré par le juge.
I. La réunion des conditions légales de la mesure de surveillance
A. L’établissement de la menace d’une particulière gravité
Le code de la sécurité intérieure subordonne le prononcé d’une telle mesure à l’existence de « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité ». Cette condition cumulative s’accompagne de l’exigence de relations habituelles avec des organisations terroristes ou de l’adhésion à des thèses incitant à de tels actes. L’administration s’est fondée sur des notes des services de renseignement faisant état de fréquentations régulières au sein de mouvances radicales. La Cour relève que le requérant a côtoyé plusieurs protagonistes de filières djihadistes et effectué des virements financiers suspects au bénéfice d’individus incarcérés. Elle souligne que ces éléments constituent des faits « précis et circonstanciés et non sérieusement contestés » figurant dans le dossier. Le juge administratif valide ainsi l’analyse de l’autorité ministérielle quant à la dangerosité persistante du profil de l’intéressé.
B. L’absence d’influence des formalités d’information sur la légalité
Le requérant invoquait un vice de procédure tenant au défaut d’information préalable du procureur de la République antiterroriste et du procureur territorialement compétent. Les juges d’appel écartent ce moyen en précisant que cette information « ne constitue pas une procédure préalable obligatoire conditionnant la légalité » de l’acte. Cette solution renforce l’autonomie de l’autorité administrative dans la gestion de la police administrative spéciale de lutte contre le terrorisme. En tout état de cause, la Cour constate que l’administration avait effectivement informé les autorités judiciaires par courrier électronique avant l’édiction de l’arrêté. La régularité externe de la décision est donc confirmée, permettant au juge d’aborder l’examen de la nécessité des restrictions au regard des faits.
II. La validation du contrôle de proportionnalité des restrictions
A. La primauté de l’objectif de sécurité dans un contexte sensible
Les mesures imposées au requérant comprenaient une interdiction de sortie de la commune de résidence et une obligation de pointage quotidien au commissariat. La juridiction rappelle que ces obligations visent « aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme » dans un climat sécuritaire tendu. L’arrêt mentionne explicitement le « contexte national et international dans lequel la menace terroriste demeure à un niveau particulièrement élevé ». La tenue de grands événements sportifs internationaux au cours de l’été 2024 justifie, selon les juges, un renforcement de la vigilance administrative. Cette appréciation permet de considérer que la durée de trois mois n’est pas excessive au regard des finalités de l’ordre public.
B. La conciliation avec l’exercice des droits familiaux et professionnels
Le requérant soutenait que la mesure portait une atteinte disproportionnée à son droit au travail et à l’intérêt supérieur de son enfant. La Cour observe pourtant que l’administration a accordé plusieurs « autorisations écrites de sortie » pour permettre l’exercice d’une activité professionnelle ou de la garde partagée. Elle relève que des aménagements d’horaires et de périmètre ont été consentis par des arrêtés modificatifs postérieurs à la décision initiale. Le juge estime que l’intéressé n’établit pas une impossibilité absolue d’organiser sa vie familiale ou d’être remplacé dans ses fonctions de direction. En conséquence, les restrictions ne revêtent pas un caractère disproportionné par rapport aux buts préventifs poursuivis par l’autorité administrative.