La Cour administrative d’appel de Paris a rendu le 18 juillet 2025 une décision relative à l’application de l’article 155 A du code général des impôts. Ce litige porte sur l’imposition de sommes versées à une entité étrangère en rémunération de services prétendument réalisés en France par un résident fiscal britannique.
Un contribuable, associé d’une société française, a fait l’objet d’un contrôle sur pièces à la suite d’une vérification de comptabilité de son entreprise. L’administration a estimé que des prestations facturées par une société luxembourgeoise étaient en réalité effectuées par ce dirigeant résidant au Royaume-Uni. Par un jugement du 8 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil n’a fait que partiellement droit à la demande de décharge des impositions. Les requérants sollicitent donc l’annulation de ce jugement et la décharge totale des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu mises à leur charge.
La question posée aux juges d’appel est de savoir si l’administration fiscale apporte des éléments suffisants pour présumer la réalisation d’une prestation en France. La cour juge que la seule mention des fonctions de dirigeant ne suffit pas à établir que le service a été rendu sur le territoire national. L’étude de la répartition de la charge de la preuve précédera celle de la caractérisation matérielle de la localisation des services litigieux.
I. La répartition de la charge de la preuve en matière de prestations de services internationales
L’application de l’article 155 A du code général des impôts repose sur un mécanisme de transparence fiscale visant à imposer le prestataire réel. Ce dispositif permet d’appréhender les revenus détournés vers des structures étrangères dépourvues de substance économique réelle.
A. L’imposition des services rendus par des non-résidents
Le code général des impôts prévoit que les sommes perçues par une personne hors de France peuvent être imposées au nom du prestataire effectif. Cette règle s’applique lorsque le service rendu « ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre » de la structure étrangère facturant la prestation. La cour rappelle que ce dispositif concerne également les personnes domiciliées hors de France pour les services qu’elles rendent sur le territoire français. L’enjeu réside alors dans la détermination précise du lieu d’exécution matérielle des missions confiées à la société intermédiaire.
B. L’obligation pour l’administration d’apporter des éléments probants
La juridiction administrative précise que le service de contrôle doit d’abord réunir des « éléments suffisants permettant de penser que la prestation a été rendue » en France. Cette exigence probatoire constitue le préalable nécessaire avant que le contribuable ne doive justifier de la localisation réelle de ses activités professionnelles. La charge de la preuve n’est donc pas initialement renversée sur le redevable, lequel conserve une position d’attente face aux allégations administratives. Cette protection garantit que la présomption fiscale ne s’applique pas de manière automatique aux résidents étrangers.
La définition de ce cadre probatoire permet désormais d’analyser son application concrète aux faits de l’espèce par les juges d’appel parisiens.
II. Le contrôle de la réalité de la localisation de la prestation en territoire français
La cour examine la pertinence des indices fournis par le fisc pour justifier l’attraction du pouvoir d’imposer vers la France. Le rejet de l’argumentation fondée sur la seule fonction statutaire du prestataire justifie la décharge prononcée au profit des requérants.
A. L’insuffisance des fonctions de direction comme indice de localisation
Dans l’espèce commentée, le fisc se bornait à invoquer la qualité de dirigeant du contribuable au sein de la société française bénéficiaire. Pour les juges d’appel, l’administration « ne peut être regardée comme s’appuyant sur des éléments suffisants » par cette seule constatation organique ou statutaire. Le résident étranger maintenait que les prestations de prospection commerciale et de signature de licences étaient accomplies depuis l’étranger pour le compte du groupe. La cour souligne ainsi qu’une fonction de président ne présume pas nécessairement d’une activité matérielle exercée sur le sol français.
B. La sanction de l’imprécision administrative par la décharge
Le défaut de preuve quant au lieu de réalisation des services entraîne l’irrégularité du redressement opéré sur le fondement de la transparence fiscale. La cour décide que les contribuables sont fondés à obtenir « la décharge des impositions en litige » en raison de cette carence dans l’instruction. Cette solution protège les résidents fiscaux étrangers contre une imposition extensive qui ferait fi de la réalité géographique de leurs interventions techniques. Le juge administratif confirme ainsi son rôle de gardien de la légalité fiscale en exigeant une caractérisation factuelle précise des services contestés.