Cour d’appel administrative de Paris, le 19 février 2025, n°23PA04774

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu une décision le 19 février 2025 relative au régime du passif injustifié en matière fiscale. Une société exerçant une activité de commerce de gros a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour les exercices 2015 et 2016. L’administration a réintégré dans le bénéfice imposable une fraction du solde créditeur d’un compte courant d’associé ouvert au nom d’une société mère. Elle estimait que cette dette n’était pas justifiée par la réalité des prestations facturées durant des périodes couvertes par la prescription. Le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de décharge de ces impositions par un jugement rendu le 21 septembre 2023. La requérante soutient devant la juridiction d’appel l’irrégularité d’une substitution de motifs intervenue au stade de la réponse aux observations du contribuable. Elle conteste également le lien entre des écritures comptables anciennes et le solde constaté à l’ouverture de la période non prescrite. La juridiction doit déterminer si l’administration peut modifier son argumentation juridique sans léser les droits fondamentaux du contribuable régulièrement vérifié. Elle doit aussi préciser les modalités de preuve incombant à l’entreprise pour justifier valablement l’inscription d’une dette à son passif. La Cour écarte finalement les moyens de la société et confirme le bien-fondé des redressements opérés par le service vérificateur. L’arrêt sera étudié sous l’angle de la faculté de substitution de motifs, avant d’analyser les exigences probatoires relatives au passif injustifié.

**I. La consécration d’une souplesse procédurale au profit de l’administration fiscale**

**A. Le principe de la substitution de motifs en cours de procédure**

Le juge administratif reconnaît au service vérificateur le droit de fonder l’imposition sur un nouveau fondement juridique tout au long de l’instance. Cette faculté permet de corriger une erreur initiale sans invalider la procédure de rectification, sous réserve de ne pas priver de garanties. L’administration invoque ici l’absence de moyens réels de la société créancière pour réaliser les prestations ayant généré la dette litigieuse au passif. Elle substitue ainsi ce motif à celui tiré initialement de la simple absence de présentation des factures correspondantes lors de la vérification. Cette évolution de l’argumentation s’inscrit dans la mission souveraine de recherche de la vérité du bénéfice net imposable de l’exploitation.

**B. La préservation des garanties de défense du contribuable vérifié**

La substitution de motifs demeure conditionnée à l’absence de privation des garanties de procédure prévues par les dispositions légales applicables à l’espèce. Le contribuable doit conserver la possibilité de discuter utilement les nouveaux éléments avancés par l’administration avant la mise en recouvrement définitive. En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Paris relève que la modification est intervenue précisément lors de la réponse aux observations. Cette étape de la procédure contradictoire offre une protection suffisante au contribuable pour préparer sa défense technique et produire ses justificatifs. La société n’est donc pas fondée à invoquer une irrégularité substantielle alors qu’elle a pu soumettre les factures à l’examen du service.

**II. La rigueur probatoire imposée au contribuable sur l’existence des dettes**

**A. Le fardeau de la preuve relatif aux inscriptions passives du bilan**

L’article 38 du Code général des impôts définit l’actif net comme l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif. Il incombe dès lors au contribuable de « justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l’inscription d’une dette au passif ». Cette obligation repose sur la capacité de l’entreprise à démontrer l’origine réelle et le caractère libératoire de l’engagement financier contracté. La production de simples documents comptables internes ne suffit pas à établir la réalité économique d’une créance détenue par un tiers. Le juge exige une démonstration concrète de la cause juridique de l’obligation financière inscrite durablement au bilan de la société vérifiée.

**B. L’étendue du contrôle fiscal sur les écritures issues d’exercices prescrits**

L’administration peut valablement remettre en cause une dette figurant au bilan d’un exercice non prescrit même si elle trouve sa source antérieurement. Le solde d’ouverture du premier exercice vérifié constitue le point de départ nécessaire du calcul de la variation de l’actif net imposable. La Cour souligne que la requérante n’a pas prouvé la réalité de la dette correspondant au montant total remis en cause. Elle rejette l’argumentation portant sur l’absence de lien établi entre les écritures anciennes et le solde créditeur rejeté comme injustifié. Cette solution confirme la pérennité de la charge de la preuve pesant sur l’exploitant pour toute écriture passive influençant le résultat.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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