La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 2 avril 2025, un arrêt important relatif à la représentativité syndicale dans l’enseignement privé. Plusieurs organisations professionnelles sollicitaient l’annulation de deux arrêtés fixant la liste des syndicats représentatifs dans les branches de l’enseignement non lucratif et agricole. Les requérants soutenaient que le décompte des voix excluait indûment les agents publics de l’État, contrairement aux dispositions législatives dérogatoires alors applicables. Une question prioritaire de constitutionnalité fut transmise au Conseil d’État, lequel saisit le Conseil constitutionnel pour examiner la conformité de la loi sous-jacente. La juridiction suprême ayant validé le texte en septembre 2024, le juge administratif devait apprécier la légalité des modalités de calcul retenues par l’administration. La question de droit portait sur l’obligation d’intégrer tous les suffrages des agents publics, même en présence d’urnes séparées lors du scrutin professionnel. La Cour administrative d’appel censure la pratique administrative de tri des votes, rétablissant ainsi l’intégrité du périmètre électoral défini par le législateur. L’application rigoureuse du périmètre de l’audience syndicale précède la reconnaissance d’un droit de participation exhaustif des travailleurs.
**A. La consécration législative d’une base électorale élargie**
La loi du 21 décembre 2022 instaure un régime dérogatoire permettant à l’autorité ministérielle de fixer la représentativité sur le fondement de l’ensemble des suffrages. Cette disposition vise spécifiquement les établissements privés sous contrat où coexistent des salariés de droit privé et des agents publics de l’État. Le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif par une décision du 19 septembre 2024, écartant ainsi tout grief d’atteinte disproportionnée à la liberté syndicale. Le législateur a entendu pérenniser une mesure d’audience globale jusqu’au terme de la deuxième période suivant la publication de la loi précitée. Cette règle impose une prise en compte exhaustive des votes pour déterminer le poids réel de chaque organisation au niveau de la branche professionnelle.
**B. L’illégalité du fractionnement matériel des suffrages**
L’administration a écarté les procès-verbaux ne rassemblant que des agents publics lorsque des urnes séparées permettaient de les identifier au sein des établissements. La juridiction administrative relève que cette pratique méconnaît la lettre de la loi imposant une comptabilisation totale des voix exprimées durant le cycle. Le texte prévoit en effet que le ministre arrête la liste « sur le fondement de l’ensemble des suffrages exprimés au premier tour des élections ». L’installation d’urnes distinctes ne saurait autoriser l’autorité administrative à soustraire arbitrairement une partie des bulletins du calcul final de l’audience. Cette erreur de droit entache nécessairement les arrêtés litigieux dès lors que les résultats de la représentativité s’en trouvent artificiellement et illégalement modifiés.
**A. La garantie d’une représentation fidèle des personnels**
L’annulation des arrêtés ministériels confirme la volonté du juge d’assurer une représentation fidèle de tous les personnels concourant à l’activité des établissements. En imposant l’inclusion des agents publics, la Cour administrative d’appel de Paris protège le droit de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions d’emploi. Cette solution évite l’exclusion de certaines organisations syndicales qui bénéficient d’une base électorale majoritairement composée de personnels enseignants sous statut de droit public. Le juge veille à ce que la représentativité ne soit pas faussée par des considérations techniques liées aux modalités matérielles du scrutin. La valeur de cet arrêt réside dans la primauté accordée à l’unité de la branche sur la dualité juridique des contrats de travail.
**B. La contrainte du rétablissement d’une audience conforme**
La portée de cette décision oblige le pouvoir exécutif à procéder à un nouveau décompte incluant sans exception tous les suffrages précédemment écartés. L’administration ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour interpréter restrictivement les critères de représentativité définis par les dispositions législatives précises en vigueur. Le juge refuse toutefois d’enjoindre à l’autorité ministérielle de se référer à la représentativité interprofessionnelle, maintenant ainsi le cadre spécifique de la branche. Cette fermeté jurisprudentielle assure la sécurité juridique des futures négociations collectives au sein des établissements d’enseignement et de formation agricoles privés. Les organisations syndicales retrouvent ainsi la plénitude de leurs droits fondés sur une audience réelle et non sur un périmètre restreint par l’administration.