Cour d’appel administrative de Paris, le 23 mai 2025, n°23PA04659

La cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 23 mai 2025, précise les contours juridiques des procédures de sélection professionnelle au sein de la fonction publique. Un agent public contestait son éviction d’une liste d’admission établie pour la constitution initiale d’un corps de cadres éducatifs d’une administration spécialisée. Le requérant avait initialement sollicité l’annulation de la décision de rejet devant le tribunal administratif de Paris, lequel avait écarté ses prétentions par un jugement du 15 septembre 2023. L’intéressé soutenait notamment que les modalités d’organisation de la sélection méconnaissaient le principe d’égalité de traitement et les règles fondamentales régissant les concours administratifs.

La juridiction d’appel devait déterminer si une sélection professionnelle reposant sur une audition facultative et dépourvue de notation respectait les garanties constitutionnelles d’accès aux emplois publics. Elle confirme le rejet de la demande en distinguant rigoureusement la sélection d’aptitude du concours de recrutement traditionnel, validant ainsi la marge de manœuvre de l’autorité organisatrice. L’examen de cette décision conduit à analyser l’autonomie du régime de sélection professionnelle (I) avant d’envisager la protection effective du principe d’égalité (II).

I. La qualification juridique autonome de la sélection professionnelle

A. L’éviction des règles spécifiques aux concours administratifs

La solution de la juridiction repose sur une distinction conceptuelle fondamentale entre le concours et la sélection professionnelle opérée sur le fondement de la loi statutaire. Pour la Cour, « cette sélection n’est pas assimilable à un concours dès lors qu’elle ne repose pas sur une appréciation comparative des mérites respectifs des différents candidats ». Cette précision sémantique emporte des conséquences juridiques majeures sur le régime applicable à la procédure de recrutement contestée. La décision souligne que l’opération « a pour unique objet de vérifier les compétences professionnelles des candidats » afin d’évaluer leur aptitude à exercer de nouvelles fonctions.

Le juge administratif refuse d’appliquer par analogie les principes généraux du droit des concours, plus contraignants pour l’autorité administrative compétente. Il estime que l’administration « disposait d’une marge d’appréciation substantielle pour définir ces modalités d’organisation » sans être liée par des obligations de classement. Cette approche renforce l’autonomie de la sélection professionnelle comme mode de promotion interne distinct, privilégiant l’adéquation au poste plutôt que l’excellence relative des candidats.

B. La portée limitée du contrôle sur la régularité formelle

Le requérant invoquait également l’irrégularité du jugement de première instance au motif que les premiers juges auraient omis de statuer sur l’incompétence du signataire. La cour administrative d’appel de Paris rejette ce moyen en rappelant les règles classiques de la procédure contentieuse et l’office du juge administratif. Elle observe que l’intéressé n’avait « ni invoqué le moyen tiré de l’incompétence de ce signataire en première instance, ni même contesté la légalité de cet arrêté ».

Cette solution confirme que le juge n’est pas tenu de soulever d’office des moyens qui ne présentent pas un caractère d’ordre public manifeste. La Cour valide ainsi la méthode du tribunal administratif qui s’était strictement borné à répondre aux critiques effectivement formulées par le candidat évincé. Cette rigueur procédurale encadre strictement le débat devant le juge d’appel, lequel se concentre alors sur le bien-fondé du jugement concernant le respect des principes fondamentaux.

II. La conciliation entre liberté de l’administration et égalité de traitement

A. L’admission d’une audition facultative et non notée

La validité de la procédure est confirmée malgré l’existence d’une phase orale dont le caractère discrétionnaire était vivement critiqué par le requérant. La Cour estime que l’audition, dont la tenue dépend de l’appréciation souveraine du jury, « ne saurait, par elle-même, méconnaître le principe d’égalité ». Elle considère que cette étape constitue un simple complément d’information destiné à « parvenir à la meilleure appréciation possible de chaque dossier de candidature ». Cette modalité n’altère pas la nature de la sélection dès lors qu’elle s’applique potentiellement à l’ensemble des agents postulant.

L’absence de notation, critiquée comme source d’arbitraire, est au contraire présentée par le juge comme une conséquence logique de la nature de l’épreuve. L’arrêt précise que « l’absence de notation qui la caractérise prive de toute portée les principes de l’harmonisation des notes » et l’information préalable sur les coefficients. En validant une épreuve purement qualitative, la juridiction administrative reconnaît à l’administration le droit de privilégier l’entretien clinique sur l’évaluation chiffrée.

B. L’absence de rupture caractérisée de l’égalité de traitement

Enfin, la Cour écarte les griefs relatifs à une prétendue discrimination indirecte en s’appuyant sur une analyse concrète des données statistiques fournies par l’administration. Elle relève que de nombreux candidats admis n’avaient pas validé la formation spécifique initialement présentée comme un critère de sélection occulte. Le juge affirme que le requérant n’établit par « aucun commencement de preuve » que le recours à l’audition aurait procédé d’une décision arbitraire ou discriminatoire.

La solution souligne que le principe d’égalité n’impose pas une identité absolue de traitement mais interdit seulement les distinctions injustifiées entre candidats. Dès lors que la procédure repose sur des critères objectifs liés à l’intérêt du service, la diversité des parcours n’entache pas la légalité. La requête est par conséquent rejetée, confirmant la souveraineté des commissions de sélection professionnelle sous réserve de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation.

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Hassan KOHEN
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