La Cour administrative d’appel de Paris a rendu le 23 mai 2025 un arrêt relatif à la répartition des compétences juridictionnelles entre les ordres. Ce litige concerne l’opposition entre les juridictions administrative et judiciaire pour le recouvrement d’une amende prononcée par un organisme de régulation financière. Une société a fait l’objet d’une sanction pécuniaire de 80 000 euros pour des manquements aux obligations légales de déclaration boursière. Après l’échec des recours judiciaires contre cette sanction, le Trésor public a émis un titre de perception pour en assurer le paiement effectif. La société a contesté ce titre devant le tribunal administratif de Paris en invoquant la nature administrative de l’acte de recouvrement émis par l’État. La juridiction de premier ressort a cependant rejeté la demande en raison de son incompétence manifeste au profit exclusif du juge judiciaire. La requérante soutient en appel que la contestation d’un titre émis par une autorité ministérielle pour une créance non fiscale relève du juge administratif. Le juge administratif est-il compétent pour connaître de la contestation d’un titre de perception dont la créance initiale relève de la compétence judiciaire ? La Cour administrative d’appel confirme l’incompétence de l’ordre administratif en liant le sort du recouvrement à celui de la sanction originelle. Elle fonde sa décision sur le Code monétaire et financier pour rejeter l’argumentation basée sur la qualité de l’auteur de l’acte. L’étude de cette décision portera sur l’attraction de la compétence par la créance initiale (I) avant d’analyser l’immutabilité des règles de compétence (II).
I. L’attraction de la compétence par la nature de la créance initiale
A. La distinction des recours selon la qualité de la personne sanctionnée Le Code monétaire et financier établit une répartition précise des compétences pour les recours contre les décisions individuelles de l’autorité de régulation. L’article L. 621-30 dispose que « l’examen des recours formés contre les décisions individuelles de l’Autorité des marchés financiers […] est de la compétence du juge judiciaire ». Cette compétence judiciaire concerne les personnes n’appartenant pas aux catégories de professionnels surveillés par le régulateur et énumérées par la loi. En l’espèce, la société sanctionnée ne figurait pas parmi les entités professionnelles dont le contrôle relève par exception de la juridiction administrative. La Cour d’appel de Paris est donc la juridiction normalement compétente pour examiner le bien-fondé de la sanction prononcée contre ce type d’opérateur. Cette règle de base assure une cohérence dans le contrôle des décisions de l’autorité publique indépendante selon le statut du justiciable.
B. Le lien indissociable entre le titre de perception et la sanction pécuniaire La Cour administrative d’appel de Paris applique une règle de parallélisme entre le contentieux de la décision de sanction et celui de son exécution. Elle souligne qu’il en va de même pour les actions tendant à la contestation du bien-fondé du titre de perception réclamant le paiement. Selon le juge, un tel titre ne peut « être légalement émis en l’absence d’une telle sanction » alors même que les autorités compétentes diffèrent. La créance liquidée par l’administration trouve son fondement direct et unique dans la décision de la commission des sanctions prise antérieurement. La contestation du titre de perception se confond ainsi nécessairement avec la contestation de la dette elle-même dont le juge administratif ne peut connaître. Cette centralisation doit être maintenue en dépit des artifices procéduraux ou des erreurs de l’administration lors de la phase de recouvrement.
II. L’immutabilité des règles de compétence juridictionnelle
A. L’indifférence de l’autorité émettrice et des mentions erronées La requérante invoquait la nature de l’acte administratif et les indications fournies par le comptable public pour justifier la saisine du juge administratif. La Cour écarte cet argument en précisant que la circonstance que la liquidation de cette créance a été prononcée par un ministre reste sans incidence. L’intervention d’une autorité étatique et de ses services comptables ne modifie pas la nature intrinsèquement judiciaire du litige portant sur la sanction. De même, les mentions erronées figurant sur l’accusé de réception de la contestation préalable ne sauraient créer une compétence juridictionnelle inexistante. La détermination de l’ordre de juridiction compétent relève de dispositions législatives d’ordre public auxquelles les parties ou l’administration ne peuvent déroger. La sécurité juridique impose que les règles de compétence soient prévisibles indépendamment des éventuelles erreurs matérielles commises par les services administratifs.
B. La confirmation d’un bloc de compétence judiciaire cohérent La décision s’inscrit dans une volonté de maintenir des blocs de compétence cohérents pour éviter l’éparpillement des recours devant plusieurs juges différents. La Cour affirme que la contestation du titre relève de « la seule compétence du juge judiciaire » et plus particulièrement de la Cour d’appel de Paris. Cette solution prévient les risques de contradictions entre le juge de la sanction et le juge de l’exécution au sein de l’ordre administratif. En refusant de saisir le Tribunal des conflits, les juges d’appel considèrent que la question ne présente aucune difficulté sérieuse au regard du droit. La portée de cet arrêt confirme la prédominance du fondement de la créance sur les modalités formelles du recouvrement par les agents publics. L’unité du litige financier l’emporte donc sur le caractère formellement administratif de l’acte de poursuite émis par le Trésor public.