Cour d’appel administrative de Paris, le 26 septembre 2025, n°24PA05198

La cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 26 septembre 2025, une décision relative à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. L’ayant droit d’une personne décédée d’un cancer de l’estomac sollicitait la réparation des préjudices résultant d’une exposition aux rayonnements ionisants en Polynésie française. Le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires avait rejeté la demande initiale en décembre 2023, motif pris d’une exposition inférieure au seuil légal. Le tribunal administratif de la Polynésie française a confirmé cette position par un jugement rendu le 17 septembre 2024, dont la requérante fait appel. La juridiction d’appel devait déterminer si l’absence de poste de mesure direct sur le lieu de résidence permet de contester la preuve scientifique du comité. Les juges retiennent que les mesures effectuées sur les îles voisines et les rapports internationaux suffisent à établir une exposition réelle très limitée.

I. La consécration d’une méthodologie d’évaluation scientifique rigoureuse

A. L’admission de données de surveillance indirectes et extrapolées

Le juge administratif valide l’utilisation de données collectées à Raiatea pour apprécier la situation radiologique des résidents de l’île voisine de Taha’a. Cette proximité géographique, complétée par l’existence d’un lagon commun, justifie la pertinence des relevés effectués durant les campagnes d’essais nucléaires atmosphériques. L’arrêt précise qu’en l’absence de poste local, l’administration peut se fonder sur des « données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable ». La preuve du dépassement ou non du seuil ne nécessite donc pas une mesure individuelle systématique pour chaque atoll de l’archipel concerné. L’éloignement relatif d’un poste de contrôle ne suffit pas à invalider les conclusions d’une expertise technique reposant sur des bases géographiques cohérentes.

B. La validation des modèles de reconstitution du Commissariat à l’énergie atomique

La décision s’appuie sur la méthodologie de reconstitution des doses validée par l’Agence internationale de l’énergie atomique dans ses rapports d’expertise scientifique. Les magistrats considèrent que les hypothèses de calcul retenues par le Commissariat à l’énergie atomique sont « pénalisantes », tendant ainsi à surévaluer systématiquement l’exposition réelle. Cette approche permet d’intégrer la contamination externe liée aux retombées et la contamination interne provenant de l’ingestion de produits alimentaires locaux spécifiques. Le juge écarte ainsi les critiques générales portant sur la fiabilité des mesures pour privilégier des modèles scientifiques reconnus par la communauté internationale. Cette rigueur technique permet alors de fonder légalement le rejet des demandes d’indemnisation au regard des seuils de protection sanitaire.

II. Le maintien d’un équilibre probatoire exigeant pour l’administration

A. Le renversement effectif de la présomption de causalité par le seuil de 1 mSv

La présomption de causalité instaurée par la loi du 5 janvier 2010 demeure le principe directeur du régime d’indemnisation des maladies radio-induites. Cependant, l’administration peut légalement renverser cette garantie s’il est « établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants reçue a été inférieure à 1 mSv ». Dans cette espèce, les calculs indiquent une exposition maximale de 0,57 mSv pour l’année 1974, niveau qui n’a cessé de décroître ultérieurement. Le respect de ce plafond réglementaire interdit alors l’indemnisation, même si la pathologie figure sur la liste officielle des maladies liées aux essais. La juridiction confirme ainsi que le critère dosimétrique constitue la seule borne quantitative permettant de réfuter le lien entre l’activité nucléaire et la maladie.

B. L’exigence d’une situation individuelle spécifique pour écarter les données collectives

Pour faire échec aux données collectives produites par l’autorité administrative, le demandeur doit démontrer l’existence de circonstances particulières propres à sa situation personnelle. La requérante invoquait ici une consommation exclusive de produits agricoles locaux et l’activité professionnelle de son époux sur le site de Mururoa. La cour rejette ces arguments au motif qu’aucune preuve ne lie ces faits précis à une aggravation notable de la contamination interne subie. En l’absence de « circonstance particulière qui aurait exposé la victime », les tables de reconstitution générales s’appliquent pleinement pour rejeter les prétentions indemnitaires. Le juge administratif maintient ainsi une approche factuelle stricte qui limite la remise en cause des évaluations dosimétriques globales par de simples allégations.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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