Cour d’appel administrative de Paris, le 28 février 2025, n°23PA03632

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu le 28 février 2025 un arrêt relatif au refus de redoublement opposé à une étudiante en droit. Inscrite en licence depuis l’année universitaire 2011-2012, l’intéressée sollicitait une troisième inscription en troisième année par voie de dérogation exceptionnelle après plusieurs échecs. Le tribunal administratif de Montreuil avait rejeté sa demande d’annulation le 16 février 2023, conduisant la requérante à interjeter appel devant la juridiction supérieure. Elle invoquait notamment l’irrégularité du jugement, un défaut de motivation de la décision ainsi qu’une erreur d’appréciation de sa situation personnelle complexe. L’étudiante prétendait au bénéfice de dispositifs d’accompagnement spécifiques en raison de ses charges de famille et de son activité professionnelle salariée. La Cour devait déterminer si le silence de l’université constituait une décision régulière et si le refus de dérogation respectait le cadre réglementaire national. La juridiction rejette la requête en précisant les conditions de formation des décisions implicites et les limites des droits aux aménagements pédagogiques.

I. L’identification rigoureuse de la décision administrative contestée

A. La prévalence de la décision implicite de rejet sur l’acte informel

La Cour administrative d’appel de Paris confirme que la demande de dérogation adressée à la doyenne de l’université constitue un recours administratif préalable obligatoire. Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité compétente fait naître une décision implicite de rejet conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l’administration. Les juges d’appel écartent la qualification de décision administrative pour le courriel envoyé ultérieurement par un responsable pédagogique depuis sa messagerie personnelle. Cet échange électronique est considéré comme « dépourvu de caractère décisoire » car il se borne à rappeler la réglementation applicable aux modalités de contrôle des connaissances. L’étudiante avait d’ailleurs produit la « pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation » pour établir l’existence de la décision née du silence. La juridiction assure ainsi une sécurité juridique en rattachant le litige à l’acte manifestant véritablement l’intention de l’autorité investie du pouvoir de décision.

B. L’absence d’obligation de motivation du refus de dérogation

Le juge administratif précise que l’administration n’est pas tenue de motiver une décision implicite de rejet lorsque la décision explicite n’exigeait pas de motivation. Le refus d’autoriser un second redoublement n’entre pas dans les catégories d’actes devant être motivés car il ne restreint aucune liberté publique fondamentale. La Cour souligne que la demande de dérogation ne constitue pas un « avantage dont l’attribution aurait constitué un droit » pour une personne remplissant les conditions légales. L’étudiante ne pouvait se prévaloir d’un droit acquis au redoublement puisque le règlement intérieur de l’établissement limite strictement le nombre d’inscriptions annuelles autorisées. En l’absence de demande de communication des motifs formulée par l’intéressée dans les délais impartis, le moyen tiré du défaut de motivation devient inopérant. La solution retenue par les juges confirme la nature discrétionnaire du pouvoir de dérogation dont dispose l’université pour la gestion des cursus étudiants.

II. L’encadrement strict du droit au redoublement et aux aménagements d’études

A. La subordination des aménagements à une demande préalable de l’étudiant

L’arrêt souligne que le bénéfice d’un régime spécifique d’études pour les étudiants chargés de famille ou salariés dépend d’une démarche active de l’intéressé. Si le code de l’éducation prévoit des dispositifs d’accompagnement personnalisés, ces derniers doivent être sollicités « en temps utile » auprès des services pédagogiques compétents. La Cour relève qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la requérante aurait formulé une demande précise d’aménagement avant l’intervention du litige. L’université ne saurait se voir reprocher de « s’être abstenue, en dehors de toute demande de l’intéressée, de lui accorder un régime spécifique » concernant la durée de son cursus. La simple production postérieure d’un certificat de travail ou de documents médicaux familiaux ne suffit pas à créer une obligation d’adaptation automatique pour l’administration. La responsabilité de l’aménagement du parcours pédagogique repose donc sur une collaboration nécessaire entre l’étudiant et son établissement d’enseignement supérieur.

B. La légalité du refus au regard du cadre réglementaire universitaire

La juridiction d’appel valide la décision de rejet en s’appuyant sur les limites temporelles fixées par le cadre national des formations conduisant au diplôme de licence. Le règlement de l’université prévoit que « le nombre d’inscriptions maximum pour obtenir la Licence est fixé à six » et qu’un seul redoublement est autorisé. L’étudiante se trouvait en situation de douzième inscription globale, dépassant largement les seuils réglementaires destinés à garantir la réussite et la fluidité des parcours. La Cour estime qu’aucune erreur de droit ou erreur manifeste d’appréciation n’a été commise par l’autorité universitaire au regard de la situation scolaire très dégradée. La circonstance que des aménagements exceptionnels aient été accordés par le passé pour la deuxième année de licence reste sans incidence sur la légalité du refus actuel. L’intérêt du service et l’exigence de progression pédagogique justifient ainsi la fin du cursus pour un étudiant ne satisfaisant plus aux critères de validation.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture