La Cour administrative d’appel de Paris, par une décision du 29 avril 2025, apporte des précisions sur le régime juridique des enquêtes obligatoires. Un représentant du personnel au sein d’un département avait sollicité l’ouverture d’une investigation suite à des difficultés rencontrées dans une cellule d’accompagnement. Le président du comité d’hygiène et de sécurité rejeta cette demande par un courrier, décision ultérieurement confirmée par le refus explicite de la collectivité. Le tribunal administratif de Montreuil, saisi par une organisation syndicale, annula le refus initial et enjoignit au département de diligenter l’enquête sous un certain délai. Le département interjeta appel en contestant son intérêt à agir contre un acte dont il n’était pas formellement l’auteur et la légalité de l’injonction. La question portait sur la personnalité morale du comité de sécurité et sur l’obligation d’enquête en présence d’incidents répétés au sens du règlement intérieur. La juridiction d’appel confirme l’annulation du refus de l’administration tout en censurant l’injonction de faire au regard de l’évolution de la situation de fait.
I. L’affirmation d’une obligation d’enquête liée à la répétition d’incidents matériels
A. L’imputation juridique des décisions du comité d’hygiène à la collectivité de rattachement
Les juges précisent que les comités d’hygiène et de sécurité territoriaux ne disposent d’aucune personnalité morale distincte de la collectivité qui les a institués. Cette absence de personnalité juridique implique que la décision litigieuse « doit être regardée comme ayant été prise par le département » pour l’exercice du recours. La solution sécurise l’intérêt à agir de la collectivité territoriale contre un jugement annulant un acte pris par le président d’une instance interne dépourvue d’autonomie. Cette position jurisprudentielle assure une cohérence nécessaire entre la responsabilité administrative globale de la personne publique et les prérogatives des instances consultatives de sécurité.
B. La caractérisation souveraine des incidents répétés comme source d’une compétence liée
Le règlement intérieur imposait une enquête obligatoire en cas d’incidents répétés ayant révélé un risque grave pour la santé ou la sécurité des agents publics. La cour retient que des agressions physiques et des dégradations matérielles dans les locaux « relatent des faits qui peuvent recevoir la qualification d’incidents répétés ». Le département se trouvait alors en situation de compétence liée pour engager les investigations nécessaires malgré les mesures préventives déjà adoptées par les services départementaux. Le juge administratif exerce ici un contrôle entier sur la qualification juridique des faits pour garantir l’effectivité des droits sociaux reconnus aux travailleurs de la fonction publique.
II. L’encadrement rigoureux du pouvoir d’injonction par l’appréciation des circonstances actuelles
A. Le contrôle de l’utilité de la mesure d’enquête au regard des diligences administratives
Le juge administratif ne peut prescrire une mesure d’exécution que si celle-ci s’avère encore strictement nécessaire à la date où il statue sur le litige. Le département avait déjà mis en œuvre plusieurs dispositions techniques pour remédier aux causes des accidents survenus au sein de la cellule spécialisée durant l’année. L’annulation pour excès de pouvoir du refus initial « n’impliquait pas nécessairement que le comité diligente une enquête » pour vérifier l’efficacité des mesures déjà prises. La cour sanctionne ainsi une erreur de droit des premiers juges ayant imposé une mesure d’instruction sans caractériser son utilité résiduelle pour l’intérêt du service.
B. La neutralisation de l’injonction en l’absence de risques persistants démontrés au jour du jugement
L’absence de risques persistants démontrés à la date du présent arrêt justifie le rejet des conclusions aux fins d’injonction présentées par l’organisation syndicale requérante. Les magistrats d’appel estiment qu’il n’y a plus lieu d’ordonner une enquête dès lors que la réorganisation des services a permis de stabiliser la situation sécuritaire. Cette décision illustre le pragmatisme du contrôle juridictionnel qui refuse de transformer l’injonction en une sanction automatique et dénuée de finalité concrète pour les agents. Le département obtient donc gain de cause sur le terrain de l’exécution, préservant sa liberté de gestion face aux injonctions inutiles prononcées par le juge administratif.