Cour d’appel administrative de Paris, le 3 avril 2025, n°24PA04834

La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 3 avril 2025, apporte des précisions sur l’usage des ordonnances de rejet manifeste. Un ressortissant étranger a contesté un arrêté de l’autorité préfectorale portant obligation de quitter le territoire français suite à une demande d’asile. Le tribunal administratif de Paris a rejeté cette requête par une ordonnance prise sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative. Le requérant a formé un appel en soutenant que sa situation administrative imposait un examen de sa demande par une formation de jugement collégiale. La juridiction d’appel doit décider si le moyen relatif au droit au maintien sur le territoire français autorisait une procédure de jugement simplifiée. Les juges parisiens annulent l’ordonnance en considérant que le litige présentait des questions de fond qui ne permettaient pas de statuer sans audience publique. Cette décision conduit à analyser l’interprétation restrictive des pouvoirs du juge statuant seul avant d’aborder la protection de la régularité juridictionnelle et du droit au juge.

I. L’interprétation restrictive des pouvoirs du juge statuant seul

A. La reconnaissance de la pertinence juridique du moyen soulevé

Le requérant invoquait la méconnaissance des dispositions garantissant son droit de se maintenir sur le territoire national durant l’examen de sa demande d’asile. La Cour administrative d’appel souligne que ce moyen est opérant et qu’il était suffisamment précis pour que les juges en apprécient le bien-fondé. Elle affirme que ce grief « ne pouvait pas être considéré comme irrecevable, assorti que de faits manifestement insusceptibles de venir à son soutien ». Cette appréciation démontre que l’argumentation présentée nécessitait une confrontation réelle avec les pièces du dossier et les règles du droit des étrangers. La juridiction d’appel refuse ainsi de réduire la portée d’un moyen de légalité interne à une simple formalité administrative susceptible d’un rejet automatique.

B. L’exclusion du rejet manifeste pour les moyens nécessitant un examen approfondi

L’usage de l’article R. 222-1 du code de justice administrative est strictement encadré pour éviter de porter atteinte aux droits fondamentaux de la défense. La Cour administrative d’appel de Paris relève que l’ordonnance attaquée ne pouvait pas légalement écarter le moyen soulevé sans une instruction contradictoire complète. Elle juge que « dès lors qu’elle n’entrait pas dans le champ des dispositions du 7° de l’article R. 222-1 », l’ordonnance rendue initialement est irrégulière. Les magistrats d’appel rappellent que le rejet par ordonnance suppose que le défaut de fondement juridique soit immédiatement évident pour le juge administratif. Cette décision protège les justiciables contre une accélération excessive des procédures qui sacrifierait l’analyse des droits individuels à un simple impératif de célérité. L’analyse du pouvoir du juge unique permet ainsi de souligner l’importance cruciale de la collégialité pour garantir une justice administrative de qualité.

II. La protection de la régularité juridictionnelle et du droit au juge

A. La réaffirmation de la collégialité comme principe de droit commun

Le principe de collégialité constitue une garantie essentielle de bonne justice en assurant une délibération croisée entre plusieurs magistrats professionnels sur les litiges complexes. La Cour administrative d’appel de Paris précise que « la décision du tribunal de première instance ne pouvait être adoptée que par une formation collégiale ». En sanctionnant le recours indu à un juge unique, elle rappelle que le droit commun de la juridiction administrative reste le jugement collectif. La formation collégiale offre une protection supplémentaire au demandeur en permettant un débat oral et contradictoire sur les circonstances particulières de son dossier. Cette exigence procédurale s’impose dès lors que le recours contient des moyens sérieux qui ne peuvent être qualifiés de manifestement infondés par le juge.

B. Les effets de l’annulation et le rétablissement de la procédure contentieuse

L’irrégularité constatée entraîne nécessairement l’annulation de la décision rendue par le tribunal administratif sans que la Cour n’examine les autres moyens de la requête. La juridiction d’appel choisit de ne pas évoquer l’affaire au fond mais décide de « renvoyer cette affaire au tribunal administratif de Paris ». Cette solution garantit au requérant le bénéfice effectif d’un double degré de juridiction sur le fond de sa contestation contre l’arrêté d’expulsion. Le renvoi permet de corriger le vice de procédure initial tout en imposant aux premiers juges de statuer selon les formes prévues par la loi. L’arrêt souligne enfin la responsabilité de l’administration en la condamnant à verser une somme d’argent au titre des frais exposés par le requérant.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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