Cour d’appel administrative de Paris, le 4 février 2025, n°23PA02325

La cour administrative d’appel de Paris a rendu une décision remarquée le 4 février 2025 concernant l’offre pharmaceutique dans une collectivité d’outre-mer. Ce contentieux porte sur la légalité de l’autorisation de création d’une seconde officine sur une île particulièrement touristique du Pacifique. Suite à un recensement confirmant le dépassement du seuil de population requis, une licence d’exploitation a été accordée à un pharmacien par un arrêté local. Une société concurrente exploitant l’unique pharmacie existante et une autre professionnelle de santé ont saisi la juridiction administrative pour contester cet acte. Le tribunal administratif de Papeete a prononcé l’annulation de l’autorisation de création dans un jugement rendu le 28 février 2023. La collectivité et le bénéficiaire de l’arrêté ont interjeté appel de cette décision devant la juridiction supérieure pour obtenir le maintien de l’autorisation. La question posée aux juges d’appel concerne l’existence d’un intérêt à agir suffisant des requérants de première instance contre une telle autorisation individuelle. La cour considère que ni la candidate évincée d’une précédente procédure ni l’officine existante ne justifient d’une qualité leur permettant de contester l’arrêté. L’étude de la décision permet d’analyser l’étroite définition de l’intérêt à agir des praticiens avant d’aborder les conséquences juridiques de l’irrecevabilité des requêtes.

I. L’étroite définition de l’intérêt à agir des praticiens

La recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir exige la démonstration d’un intérêt direct et certain lésé par l’acte administratif faisant l’objet du litige.

A. L’irrecevabilité du recours formé par le pharmacien non candidat

La cour précise que la seule qualité de pharmacien est insuffisante pour contester une autorisation de création d’officine délivrée à un tiers. Une professionnelle invoquait ses demandes passées pour justifier sa requête alors qu’elle n’avait pas participé à la procédure de sélection en cours. Les juges relèvent que « l’intéressée (…) n’invoque pas son intention de déposer ultérieurement une nouvelle demande de création et d’exploitation d’une officine ». Son silence face aux fins de non-recevoir soulevées confirme le caractère purement abstrait de sa démarche contentieuse engagée contre l’arrêté de l’administration. Elle se trouve ainsi « dépourvue d’intérêt à agir pour demander l’annulation de l’arrêté » autorisant l’installation d’un confrère sur le territoire communal concerné. La juridiction se penche ensuite sur la situation de l’officine concurrente pour apprécier si sa proximité géographique fonde une qualité pour agir.

B. Le refus de reconnaître un intérêt au concurrent établi

L’existence d’une officine unique sur un territoire ne confère pas automatiquement un droit à contester l’arrivée d’un nouveau confrère par voie de création. La juridiction relève que la société requérante exploite un établissement situé à plus de quatre kilomètres de la zone d’implantation proposée par le bénéficiaire. Les magistrats s’appuient sur le découpage statistique officiel pour distinguer les quartiers d’accueil respectifs des deux pharmacies mentionnées dans le dossier de procédure. La cour affirme que bien que « l’officine de pharmacie de la société (…) perdra nécessairement sa situation de monopole », cela ne suffit pas à créer un intérêt. Les requérants sont donc jugés « dépourvus d’intérêt à agir pour demander l’annulation de l’arrêté » du 7 juin 2022 par les juges d’appel. Cette analyse de la recevabilité conditionne le sens de l’arrêt et détermine les suites procédurales immédiates de la solution retenue par les magistrats.

II. Les conséquences juridiques de l’absence de qualité pour agir

Le constat de l’irrecevabilité des demandes de première instance entraîne mécaniquement l’annulation de la décision rendue par les juges du fond.

A. L’infirmation souveraine de l’appréciation des premiers juges

Le tribunal administratif avait accueilli les demandes d’annulation en ignorant les lacunes relatives à la recevabilité des requêtes présentées par les différents acteurs locaux. La cour administrative d’appel de Paris exerce un contrôle strict sur les conditions de saisine de la juridiction pour garantir la sécurité des actes. Elle souligne que « c’est donc à tort que les premiers juges y ont fait droit » en statuant directement sur le fond du litige. Cette erreur de droit commise en première instance impose l’annulation globale du jugement attaqué par les requérants devant la cour d’appel parisienne. La solution retenue par la juridiction supérieure permet d’écarter les arguments de fond sans avoir besoin d’examiner la régularité intrinsèque de la procédure. L’autorité de la chose jugée s’efface ainsi devant le constat de l’absence de qualité des demandeurs pour critiquer l’arrêté de création d’officine.

B. Le rétablissement de la sécurité juridique de l’autorisation contestée

L’annulation du jugement de première instance redonne toute sa force juridique à l’acte administratif initial autorisant l’ouverture de la seconde officine de l’île. La cour rejette l’ensemble des conclusions présentées par les parties qui s’opposaient à l’installation de ce nouveau professionnel de santé dans la commune. Elle décide ainsi que « le jugement (…) du 28 février 2023 du tribunal administratif (…) est annulé » en toutes ses dispositions. Les demandes présentées devant les premiers juges par les pharmaciens concurrents sont définitivement rejetées par l’application rigoureuse des règles de procédure administrative. Cette décision stabilise durablement l’offre de soins sur le territoire insulaire tout en protégeant l’administration locale contre des recours jugés juridiquement infondés. Les magistrats rappellent que l’intérêt à agir constitue un filtre indispensable pour préserver la stabilité des relations juridiques et des autorisations individuelles.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture