La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 5 février 2025, s’est prononcée sur la légalité d’une sanction sportive infligée à un club de football. Le litige trouve son origine dans la suspension d’un joueur professionnel pour récidive d’avertissements lors de la saison précédente dans son ancien club. Bien que l’intéressé n’ait pas participé à la dernière rencontre de son équipe d’origine, la fédération a estimé la sanction non purgée. Le nouveau club a ainsi subi la perte d’un match de championnat pour avoir aligné ce joueur lors de la première journée. Saisi par le groupement sportif, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision le 18 janvier 2024. La fédération a alors interjeté appel devant la juridiction de second degré afin d’obtenir le rétablissement des sanctions initiales. La question posée au juge consistait à savoir si les modalités de purge des suspensions pouvaient conduire à une double exécution de la peine. La juridiction rejette la requête en considérant que l’application mécanique du règlement fédéral méconnaît les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.
**I. L’affirmation de la fonction répressive face aux modalités de purge des sanctions**
**A. La rigueur du mécanisme fédéral de purge des suspensions**
Le règlement disciplinaire prévoit que la suspension « entraîne l’impossibilité pour la personne physique de jouir des droits que lui confèrent sa ou ses licences ». Cette mesure se traduit concrètement par l’interdiction d’être inscrit sur la feuille de match ou de prendre part à une rencontre officielle. L’article 226 des règlements généraux de la fédération précise que la purge doit s’effectuer lors des rencontres effectivement jouées par l’équipe de reprise. En cas de changement de club, les textes imposent que la suspension soit effectuée au regard du calendrier de la nouvelle entité sportive. Cette règle vise à garantir l’effectivité de la sanction en empêchant toute participation prématurée à la compétition après une faute. La circulaire du 11 juin 2008 confirme cette exigence de vérification préalable avant toute reprise effective du sport par le licencié.
**B. L’interprétation extensive de l’état de suspension par l’instance sportive**
L’instance fédérale considère qu’un joueur demeure en « état de suspension » tant que le nombre de matchs requis n’a pas été joué par son nouveau club. Dans cette espèce, le joueur avait pourtant déjà manqué une rencontre officielle avec son équipe de réserve le 21 mai 2022. La fédération a néanmoins jugé que la sanction n’avait pas été « purgée » car le nouveau club n’avait disputé aucun match entre-temps. Cette position repose sur une lecture stricte du calendrier de l’équipe rejointe durant la période estivale par le joueur professionnel. L’organisme sportif prétend ainsi que la suspension doit être comptabilisée exclusivement au sein des effectifs du nouveau club employeur. Ce raisonnement aboutit à prolonger l’indisponibilité du sportif au-delà du quantum initialement fixé par la commission de discipline compétente.
**II. La primauté des principes constitutionnels de la matière répressive**
**A. La sanction du détournement du quantum par les modalités d’exécution**
La cour rappelle que le pouvoir disciplinaire des fédérations sportives doit s’exercer dans le respect du principe de nécessité des peines. Ce principe fondamental, garanti par l’article 8 de la Déclaration de 1789, impose une stricte adéquation entre la faute et la sanction. Le juge administratif souligne que l’application de la règle ne saurait aboutir à une « sanction de deux matchs de suspension » pour un seul. En l’espèce, le joueur avait déjà subi les effets de la mesure lors de la dernière journée du championnat précédent. Exiger une seconde période d’inactivité revient à modifier rétroactivement le poids de la condamnation initiale prononcée par les juges du sport. La juridiction censure ainsi une modalité d’exécution qui méconnaît manifestement la proportionnalité requise pour toute mesure à caractère répressif.
**B. La protection de l’égalité des sportifs devant la règle répressive**
L’arrêt précise que la gravité d’une peine ne peut dépendre de circonstances purement contingentes comme le calendrier des matchs officiels. Le juge considère que le quantum d’une sanction « ne saurait dépendre des conditions dans lesquelles elle est concrètement appliquée ». Faire varier la durée de la suspension selon la date du transfert ou le rythme des compétitions porterait atteinte à l’égalité. La solution retenue par la fédération créait une discrimination injustifiée entre les licenciés en fonction de leurs parcours professionnels respectifs. En confirmant l’annulation de la décision, la cour protège les droits individuels du joueur contre une application arbitraire des règlements techniques. Cette jurisprudence impose aux fédérations de veiller à ce que leurs procédures internes ne dénaturent pas la réalité des sanctions infligées.