Cour d’appel administrative de Paris, le 7 mars 2025, n°23PA00802

La cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 7 mars 2025, un arrêt relatif à la notification et la motivation d’une radiation des cadres. Une adjointe technique a contesté l’arrêté municipal prononçant sa mise à la retraite d’office pour invalidité à compter du mois d’août 2020. Le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande initiale pour tardiveté par une ordonnance rendue le 23 décembre 2022. La magistrate avait considéré que le délai de recours contentieux était expiré au moment de l’enregistrement de la requête.

L’appelante soutient que la notification postale effectuée selon une procédure sanitaire dérogatoire ne permettait pas de faire courir les délais de recours. Elle invoque également l’insuffisance de motivation de l’acte ainsi que l’erreur de droit commise par l’autorité municipale lors de sa décision. La commune sollicite le rejet de l’appel en affirmant que la procédure de distribution et le contenu de l’arrêté sont réguliers.

Le juge doit déterminer si la mention d’un code spécifique sur un avis de réception suffit à prouver la remise effective d’un pli. Il doit aussi préciser l’étendue de l’obligation de motivation factuelle lorsque l’administration se prononce après l’avis d’une caisse de retraite. La Cour annule l’ordonnance et l’arrêté litigieux en raison d’une notification incertaine et d’une motivation insuffisante de la mesure d’éviction.

I. L’irrégularité de la notification postale par procédure spéciale

A. Le strict respect des garanties liées à la distribution du courrier

L’administration doit établir avec certitude la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l’intéressée sous peine d’irrecevabilité. La preuve de distribution d’un pli recommandé doit comporter une attestation sur l’honneur émise par l’employé chargé de la distribution selon la réglementation. Cette exigence demeure impérative même lors de l’application de la procédure spéciale liée à la crise sanitaire prévue par l’arrêté du 7 février 2007. L’agent postal doit impérativement s’assurer de la présence du destinataire avant de déposer le pli dans la boîte aux lettres de l’usager.

La juridiction relève en l’espèce que l’avis de réception mentionne uniquement le code spécifique à la période de pandémie sans signature de la requérante. La preuve de distribution ne contient aucune attestation sur l’honneur certifiant la remise effective du courrier à l’adresse indiquée par l’agent technique territorial. « Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’employé des services postaux se serait assuré, en l’espèce, de la présence » de la destinataire. Le juge administratif sanctionne ainsi le non-respect des formalités substantielles garantissant la réception de l’acte par son véritable destinataire.

B. L’absence de preuve de la notification certaine de l’acte

La confusion entre les dates de présentation et de distribution sur l’avis de réception postal empêche de déterminer précisément le point de départ du délai. La circonstance que la procédure spéciale n’était plus en vigueur ne suffit pas à invalider la date si la preuve de remise est rapportée. L’absence d’attestation sur l’honneur et de signature conduit cependant la Cour à écarter la date mentionnée par les services postaux comme référence légale. La notification ne peut être regardée comme acquise à la date du 23 juillet 2020 en l’absence de vérification orale de présence.

La seule date de notification certaine qui puisse être opposée à la requérante est celle du 10 août 2020 correspondant à sa signature manuscrite. Le délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif de Melun n’était donc pas expiré lors de l’enregistrement de la demande initiale. L’ordonnance de première instance est annulée car le recours n’était pas tardif compte tenu du fait que le dernier jour était un dimanche. Cette irrégularité procédurale oblige la cour administrative d’appel à statuer immédiatement sur le bien-fondé de la demande d’annulation de l’arrêté municipal.

II. Le défaut de motivation de l’arrêté de radiation des cadres

A. L’autonomie du pouvoir de décision de l’autorité territoriale

Le décret du 26 décembre 2003 précise que la mise à la retraite d’office pour inaptitude définitive ne peut intervenir qu’après un avis spécifique. La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales émet un avis conforme qui lie l’administration uniquement en cas de sens défavorable. « En cas d’avis favorable de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, cette autorité, à laquelle appartient le pouvoir de décision, n’est pas tenue de mettre l’agent à la retraite. » Le maire dispose d’un pouvoir d’appréciation propre pour décider de maintenir ou non l’agent dans ses fonctions malgré l’avis de l’organisme.

L’autorité de nomination commet une erreur d’appréciation si elle se croit juridiquement liée par le sens positif d’un avis de la caisse de retraite. La juridiction réaffirme ici que le pouvoir de décision finale appartient exclusivement à l’employeur public territorial en matière de gestion des carrières individuelles. L’avis favorable de la caisse constitue une condition nécessaire mais jamais suffisante pour justifier automatiquement la radiation des cadres d’un agent titulaire. Cette autonomie décisionnelle implique une analyse concrète des besoins du service et de la situation personnelle de l’agent concerné par la mesure.

B. L’omission des considérations de fait propres à l’inaptitude

Toute décision administrative individuelle défavorable doit être motivée en application des dispositions du code des relations entre le public et l’administration. L’arrêté contesté doit impérativement comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision prise par l’autorité. La simple mention de l’avis favorable de l’organisme de retraite ne répond pas à l’exigence de motivation factuelle imposée par le législateur. L’administration ne peut se dispenser d’expliquer les raisons précises pour lesquelles elle estime l’agent inapte à l’exercice de ses fonctions habituelles.

L’arrêté municipal litigieux ne comportait aucune précision sur la situation réelle de l’intéressée en dehors de la référence aux conclusions de la caisse nationale. La Cour juge que cette absence de motivation factuelle entache l’acte d’une illégalité interne justifiant son annulation totale par le juge de l’excès de pouvoir. Le maire aurait dû détailler les éléments de fait justifiant l’impossibilité définitive et absolue pour l’agent de continuer ses fonctions au sein du service. Cette solution garantit la protection des agents publics contre les décisions arbitraires et permet un contrôle juridictionnel effectif sur la réalité de l’inaptitude.

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Hassan KOHEN
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