La Cour administrative d’appel de Toulouse, par un arrêt du 10 avril 2025, précise les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt innovation pour les évolutions logicielles. Une société spécialisée dans l’édition d’applications a sollicité ce bénéfice fiscal pour les exercices 2014 et 2015 concernant un progiciel de gestion. L’administration a contesté cette éligibilité au motif que le produit initial avait déjà fait l’objet d’une commercialisation dès le début de l’année 2013. L’entreprise a demandé la décharge des impositions au tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa requête par un jugement rendu le 23 novembre 2022. Elle soutient devant la juridiction d’appel que les travaux menés ultérieurement constituent des améliorations substantielles ouvrant droit au crédit d’impôt pour recherche. Le litige repose sur la question de savoir si la mise sur le marché d’une première version fait obstacle à la qualification de produit nouveau. La juridiction d’appel censure le raisonnement de l’administration en validant le caractère innovant des améliorations fonctionnelles et ergonomiques apportées successivement au progiciel. L’examen de la décision commande d’analyser la reconnaissance de l’évolution logicielle comme produit nouveau (I), avant d’étudier la qualification des prototypes et installations pilotes (II).
I. La reconnaissance de l’évolution logicielle comme produit nouveau
A. L’indifférence de la commercialisation d’une version initiale
Le juge administratif considère que « la circonstance que la première version du progiciel a été commercialisée au cours de l’année 2013 ne faisait pas obstacle » à l’éligibilité ultérieure. Cette position écarte une interprétation restrictive qui aurait figé le produit dans son état initial au moment de sa première apparition sur le marché. L’administration soutenait à tort que la diffusion commerciale interdisait par principe toute nouvelle qualification de produit nouveau pour les travaux de recherche ultérieurs. La Cour privilégie une approche dynamique de l’innovation en permettant à chaque version autonome de prétendre potentiellement au bénéfice du dispositif fiscal prévu par le code. Ce raisonnement protège les entreprises engageant des cycles de développement continus sans que la mise en exploitation immédiate ne pénalise la poursuite de l’innovation.
B. Le critère de l’amélioration substantielle des performances
Pour justifier cette qualification, le magistrat s’appuie sur l’existence de performances supérieures sur le plan technique, de l’ergonomie ou des fonctionnalités de l’outil informatique. La Cour relève que les travaux menés ont permis d’intégrer des modules de chiffrage spécifiques et d’améliorer sensiblement l’ergonomie globale du produit d’édition. Elle rejette la qualification de « simples mises à jour applicatives » avancée par l’administration fiscale pour minimiser la portée technologique des développements réalisés. L’avis du comité consultatif du crédit d’impôt recherche est ici déterminant pour confirmer que les améliorations ne relèvent pas d’une maintenance mineure. Cette distinction entre mise à jour technique et innovation fonctionnelle permet de préciser les contours matériels de l’avantage fiscal au profit des créateurs.
II. La qualification assouplie du prototype et de l’installation pilote
A. L’identification matérielle des modèles de conception
La Cour administrative d’appel de Toulouse reconnaît la qualité de prototypes à des maquettes destinées à servir de modèles pour le développement de certaines fonctionnalités. Elle valide également la qualification d’installations pilotes pour les mises à jour soumises à un processus itératif de test avant leur validation définitive. Ces biens, bien que non destinés initialement à la vente, constituent les supports indispensables à la réalisation concrète du produit nouveau finalisé par l’entreprise. Le juge souligne que ces éléments matériels ne se confondent pas avec les versions finales qui seront ultérieurement commercialisées et facturées aux clients utilisateurs. La preuve de l’existence de ces étapes intermédiaires de conception suffit à justifier les dépenses de personnel et de fonctionnement engagées par le contribuable.
B. Une interprétation favorable à l’innovation incrémentale
La solution retenue témoigne d’une volonté de ne pas exclure l’innovation incrémentale, souvent majoritaire dans le secteur numérique, du champ d’application du crédit d’impôt. En affirmant que les demandes spécifiques des clients peuvent engendrer des produits nouveaux, le juge s’adapte aux réalités économiques des sociétés de services informatiques. Cette jurisprudence sécurise les investissements réalisés pour répondre à des besoins du marché encore non satisfaits par les produits concurrents disponibles au moment du litige. La portée de l’arrêt est significative car elle limite les facultés de remise en cause systématique fondées sur la chronologie de mise en vente. La clarté de cette position renforce la prévisibilité fiscale pour les petites et moyennes entreprises investissant durablement dans l’amélioration de leurs solutions logicielles.