La Cour administrative d’appel de Toulouse, par un arrêt rendu le 13 février 2025, précise les critères de légalité d’une interdiction de retour sur le territoire national. Un ressortissant étranger, présent en France depuis 2013, a contesté la mesure d’éloignement prise à son encontre par l’autorité administrative compétente à la suite de séjours irréguliers. L’intéressé a d’abord bénéficié de contrats pour jeunes majeurs et de titres de séjour temporaires avant de se maintenir sans droit sur le sol français. Le tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté sa demande initiale le 21 février 2023, le requérant sollicite désormais l’annulation de cette décision devant la juridiction d’appel. Il invoque notamment une erreur de droit concernant les circonstances humanitaires ainsi qu’une méconnaissance caractérisée du droit au respect de sa vie privée et familiale. Le litige porte ainsi sur la faculté du juge administratif de censurer une mesure d’interdiction de retour au regard de la situation personnelle du demandeur. La juridiction confirme la solution des premiers juges en validant l’acte attaqué dans toutes ses dispositions contestées par le ressortissant étranger finalement débouté de ses prétentions. L’analyse de cette décision suppose d’examiner la validité légale de la mesure d’interdiction avant d’en apprécier la proportionnalité au regard des libertés fondamentales garanties par les conventions internationales.
I. La stricte application des conditions légales de l’interdiction de retour
A. L’appréciation restrictive des circonstances humanitaires justifiant l’absence d’interdiction
« Lorsque l’étranger s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité administrative édicte une interdiction de retour » au sens du code. La Cour administrative d’appel de Toulouse souligne que le maintien irrégulier après une obligation de quitter le territoire impose en principe le prononcé automatique de cette mesure. Les juges estiment que la durée de présence de neuf années ou l’obtention de diplômes anciens ne constituent pas des éléments suffisants pour caractériser une exception notable. L’inscription universitaire récente ne permet pas non plus de démontrer une situation exceptionnelle propre à écarter l’application rigoureuse de la règle de police administrative en vigueur. L’autorité administrative dispose ainsi d’une compétence liée dont elle ne peut s’écarter qu’en présence de faits d’une gravité ou d’une intensité humaine particulièrement singulière et démontrée.
B. La validation de la durée de la mesure au regard du comportement de l’intéressé
L’autorité administrative a fixé la durée de cette mesure à un an en tenant compte du comportement passé du ressortissant étranger présent sur le territoire national. La juridiction relève que l’intéressé « s’est au surplus déjà soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement » pour justifier la sévérité relative de la décision ainsi prise. Le code impose effectivement d’apprécier la menace pour l’ordre public ou l’ancienneté des liens avec la France pour fixer précisément le délai de cette interdiction. La décision attaquée ne comporte aucune erreur manifeste d’appréciation puisque la durée retenue demeure limitée et proportionnée aux fautes administratives précédemment commises par le requérant durant son séjour. La légalité interne de l’acte étant établie, il convient alors d’étudier l’équilibre entre les prérogatives de puissance publique et les droits fondamentaux protégés par la norme conventionnelle.
II. La conciliation du pouvoir de police des étrangers avec les libertés fondamentales
A. Une protection conventionnelle limitée par la précarité du séjour sur le territoire
Le requérant invoque les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme pour contester l’atteinte portée à sa vie privée. La juridiction administrative rappelle opportunément que le droit au respect de la vie familiale n’est pas absolu et dépend étroitement de la régularité passée du séjour. Elle observe que l’intéressé « n’a été admis au séjour en France que de manière temporaire » pour sa prise en charge initiale en qualité de mineur isolé. Cette précarité juridique initiale affaiblit la protection conventionnelle car l’étranger ne peut se prévaloir d’une espérance légitime de maintien durable sur le sol national français en l’espèce. L’ingérence de l’administration dans la sphère privée est alors jugée nécessaire à la défense de l’ordre public et à la politique de régulation des flux migratoires.
B. L’exigence d’une insertion sociale et professionnelle réelle pour caractériser une atteinte disproportionnée
L’absence de liens familiaux stables et l’inexistence d’une insertion professionnelle concrète conduisent les juges à valider l’action de l’autorité publique contre la vie privée du demandeur. La Cour administrative d’appel de Toulouse note que le requérant est célibataire et ne justifie d’aucune « progression réelle » dans son nouveau cursus universitaire de licence juridique. L’interdiction de retour limitée à une année ne porte pas une « atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis » par l’administration dans le cadre de sa mission. Le rejet de la requête confirme ainsi la primauté de l’ordre public lorsque l’étranger ne démontre pas une intégration exemplaire malgré une présence prolongée sur le territoire. L’arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante refusant de transformer la simple durée du séjour en un droit acquis au maintien des liens personnels en France.