Cour d’appel administrative de Toulouse, le 16 septembre 2025, n°23TL02560

Par un arrêt rendu le 16 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Toulouse précise les conditions de légalité d’une mesure d’éloignement. Un ressortissant étranger, revenu clandestinement après un premier transfert, a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans aucun délai. Le requérant invoquait des problèmes de santé pour contester la validité de cet arrêté préfectoral devant les juridictions administratives de première instance. Le tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté sa requête, l’intéressé a soutenu devant le juge d’appel que le jugement initial était insuffisamment motivé. La juridiction devait déterminer si l’état de santé du demandeur imposait une saisine préalable du collège de médecins de l’organisme de santé publique. Après avoir annulé le jugement pour irrégularité, la Cour rejette les conclusions au fond en validant l’appréciation portée par l’autorité préfectorale. L’examen de cette décision porte d’abord sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire puis sur la justification des mesures de contrainte associées.

I. La validité de l’éloignement face aux impératifs de protection de la santé

La Cour examine successivement l’absence d’obligation de consultation médicale préalable et l’absence de gravité exceptionnelle des pathologies présentées par le ressortissant étranger.

A. L’absence d’obligation de consultation du collège de médecins de l’office compétent

L’autorité préfectorale n’est tenue de recueillir l’avis médical que si elle dispose d’éléments précis sur un état de santé susceptible d’empêcher l’éloignement. Lors de son audition, l’intéressé avait mentionné des suites d’interventions chirurgicales mais sans fournir de documents probants à l’appui de ses déclarations spontanées. La Cour juge qu’en l’absence d’informations précises, l’administration « s’était vu communiquer des éléments suffisants permettant d’établir » la nécessité d’une expertise médicale. Cette solution réaffirme que la charge de l’information repose sur le ressortissant étranger au moment où l’administration statue sur son droit au séjour.

Au-delà de la procédure de consultation, la juridiction s’attache à contrôler l’existence réelle d’un risque grave pour l’intégrité physique de l’intéressé.

B. L’appréciation de la gravité des pathologies invoquées par le requérant

Pour bénéficier d’une protection contre l’éloignement, le demandeur doit établir que le défaut de soins entraînerait des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour lui. Les certificats médicaux produits ultérieurement faisaient état de douleurs lombaires, mais les spécialistes ne préconisaient qu’un suivi en kinésithérapie ou en rééducation simple. Les juges relèvent qu’il ne ressort pas des pièces du dossier « que les pathologies dont souffre » l’intéressé exigeraient une intervention lourde en France. L’arrêt écarte par ailleurs les arguments généraux relatifs au système de santé du pays d’origine, faute d’éléments probants sur l’indisponibilité des soins requis.

L’absence de protection médicale étant établie, il convient alors d’analyser la validité des modalités d’exécution de la mesure d’éloignement et de l’interdiction de retour.

II. La justification des mesures de contrainte et de l’interdiction de retour

L’arrêt confirme la légalité du refus de délai de départ volontaire avant de valider la proportionnalité de la durée de l’interdiction de retour.

A. La reconnaissance d’un risque de fuite fondé sur l’absence de garanties

L’administration peut refuser un délai de départ volontaire lorsqu’il existe un risque sérieux que l’étranger se soustraie à la mesure de police prise. Le requérant était entré irrégulièrement sur le territoire national et ne justifiait d’aucun document d’identité ou de voyage en cours de validité légale. La Cour estime que l’intéressé « ne présente pas de garanties de représentation suffisantes » malgré l’existence alléguée d’un hébergement chez un tiers particulier. Cette situation permettait légalement au préfet de refuser l’octroi d’un délai, le risque de fuite étant objectivement caractérisé par les circonstances de l’espèce.

Une fois le refus de délai de départ validé, le juge doit encore se prononcer sur la durée de l’interdiction de retour sur le territoire.

B. Le contrôle de la proportionnalité de la durée de l’interdiction de retour

L’interdiction de retour est édictée en fonction de la durée de présence, des liens personnels et de la menace éventuelle pour l’ordre public. Bien que l’intéressé ne représentât aucune menace pour la sécurité publique, sa présence récente et son isolement familial justifiaient une mesure d’éloignement ferme. Les juges décident que la durée fixée à deux années « n’est pas disproportionnée au regard des conséquences » sur la vie privée du requérant. Le contrôle opéré confirme ainsi la large marge d’appréciation dont dispose le préfet pour assurer l’exécution effective des décisions de reconduite à la frontière.

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Hassan KOHEN
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