Cour d’appel administrative de Toulouse, le 17 juin 2025, n°23TL00211

Par une décision rendue le 17 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Toulouse se prononce sur l’étendue des obligations de surveillance incombant aux établissements hospitaliers publics. Une patiente est admise en août 2015 pour un remplacement de la valve aortique avant de présenter des douleurs diffuses d’une intensité extrême après l’opération. L’équipe soignante administre alors des doses importantes de morphine sans prescrire d’examens cardiologiques complémentaires pour identifier l’origine de ces souffrances persistantes. Lors du retrait d’un drain, une tamponnade péricardique est finalement diagnostiquée, mais la patiente se réveille atteinte d’une paraplégie totale causée par une ischémie médullaire. Le Tribunal administratif de Montpellier retient la responsabilité de l’établissement de santé pour défaut de surveillance dans deux jugements rendus en 2019 et 2022. L’ayant droit de la victime sollicite en appel une indemnisation plus conséquente tandis que l’hôpital conteste l’existence même d’un manquement fautif durant la phase post-opératoire. Les juges administratifs doivent déterminer si le retard de diagnostic constitue une faute caractérisée et comment répartir la réparation entre l’établissement et la solidarité nationale.

I. La caractérisation d’une faute dans la surveillance post-opératoire

A. L’omission fautive d’investigations cliniques complémentaires

La Cour administrative d’appel de Toulouse confirme d’abord l’existence d’une faute médicale liée à l’inertie des services hospitaliers face aux signes cliniques d’alerte. Les juges soulignent que, malgré des douleurs évaluées à neuf sur dix, « aucune exploration cardiologique n’a été effectuée, ni aucun examen échographique du cœur ». Cette abstention est jugée fautive car l’échographie était « aisément praticable au moyen d’un appareil portable » et aurait permis de déceler l’accumulation de liquide péricardique. La jurisprudence administrative exige une surveillance attentive et adaptée à l’état du patient, particulièrement lorsque surviennent des complications classiques de la chirurgie cardiaque. En négligeant de réaliser un examen simple et rapide, « le centre hospitalier universitaire de Montpellier a commis une faute dans la surveillance post-opératoire » de l’intéressée.

B. L’évaluation du préjudice par la perte de chance

Ce manquement n’est toutefois pas considéré comme la cause unique et directe de l’entier dommage corporel mais comme une perte de chance d’éviter la complication. La juridiction d’appel précise que le manquement imputable à l’établissement est « à l’origine d’une perte de chance d’éviter la tamponnade » évaluée souverainement à hauteur de 25 %. Cette analyse juridique permet de distinguer la part du dommage imputable à l’erreur médicale de celle résultant de l’aléa thérapeutique inhérent à l’acte chirurgical. Le juge refuse ainsi d’imputer l’intégralité de la paraplégie à la seule faute de l’hôpital, le caractère soudain ou progressif de l’épanchement restant incertain. La réparation due par l’établissement de santé est donc limitée à une fraction des préjudices subis conformément aux principes classiques de la responsabilité hospitalière.

II. L’articulation entre la responsabilité hospitalière et la solidarité nationale

A. La reconnaissance d’un accident médical aux conséquences anormales

La décision s’attache ensuite à qualifier la nature de la lésion médullaire au regard du régime de l’aléa thérapeutique et de la solidarité nationale. La paraplégie est ici reconnue comme une « conséquence, grave et anormale, de l’accident médical constitué par la tamponnade » survenue lors de la prise en charge. Les conditions d’anormalité et de gravité prévues par le Code de la santé publique sont remplies puisque le dommage présente un caractère exceptionnel par rapport à l’état initial. L’expertise médicale confirme que l’ischémie n’a aucun lien avec l’état antérieur de la patiente et résulte directement de la chute de tension induite par la tamponnade. Cette qualification ouvre le droit à une indemnisation intégrale au titre de la solidarité nationale pour la part de l’accident non couverte par la responsabilité fautive.

B. La détermination d’une obligation d’indemnisation partagée

L’arrêt précise enfin les modalités techniques de la répartition de la charge indemnitaire entre l’établissement public et l’organisme chargé de la solidarité nationale. Il appartient au juge de « réduire l’indemnité due par l’office du montant qu’il met alors, à ce titre, à la charge du responsable de cette perte de chance ». En l’espèce, l’organisme de solidarité doit supporter 75 % de la réparation totale tandis que l’hôpital assume le quart restant lié à sa faute de surveillance. Cette solution garantit à l’ayant droit une indemnisation complète du préjudice tout en respectant les fondements juridiques distincts de chaque régime d’indemnisation. La Cour administrative d’appel de Toulouse assure ainsi une application rigoureuse des mécanismes de protection des usagers du système de santé contre les accidents médicaux.

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Hassan KOHEN
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