La Cour administrative d’appel de Toulouse, par un arrêt rendu le 17 juin 2025, précise les conditions d’indemnisation d’un accident médical complexe. Une patiente a subi une intervention cardiaque au sein d’un centre hospitalier universitaire avant de présenter une paraplégie consécutive à une tamponnade péricardique. Le tribunal administratif de Montpellier a initialement retenu la responsabilité de l’établissement pour une faute de surveillance ayant causé une perte de chance. Le juge d’appel doit déterminer si la prise en charge des préjudices peut être partagée entre l’hôpital public et la solidarité nationale. Il convient d’analyser la reconnaissance d’une faute de surveillance génératrice d’une perte de chance (I), puis l’articulation entre responsabilité pour faute et solidarité nationale (II).
I. La caractérisation d’une faute de surveillance génératrice d’une perte de chance
A. Un manquement fautif dans le suivi post-opératoire
La juridiction administrative relève que la patiente souffrait de douleurs intenses et persistantes évaluées à un niveau très élevé par les services soignants. Malgré ces symptômes alarmants soulignés par les experts, « aucune exploration cardiologique n’a été effectuée, ni aucun examen échographique du cœur » durant la surveillance. L’établissement a ainsi négligé de pratiquer un examen aisément réalisable qui aurait permis de déceler l’accumulation de liquide dans le péricarde. Ce défaut de diligence dans la conduite des soins post-opératoires constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’établissement hospitalier.
B. L’existence d’une perte de chance d’éviter l’accident médical
Cette faute de surveillance n’est pas qualifiée de cause directe de la pathologie mais a compromis les chances d’échapper à l’aggravation du dommage. La Cour estime qu’une prise en charge adéquate aurait pu permettre de détecter le problème cardiaque et d’éviter ainsi la complication survenue ultérieurement. Le manquement imputable à l’hôpital est donc « à l’origine d’une perte de chance d’éviter la tamponnade » dont l’ampleur est évaluée à 25 %. Cette qualification de la faute permet au juge de définir le régime d’indemnisation applicable à l’ensemble du dommage corporel subi par la victime.
II. L’articulation entre la responsabilité pour faute et la solidarité nationale
A. Le cumul des régimes d’indemnisation fondé sur le code de la santé publique
L’arrêt confirme que la réparation par la solidarité nationale est possible lorsque l’accident médical présente des conséquences anormales au regard de l’état de santé. Dès lors que la faute n’est pas la cause exclusive du dommage, la victime a « droit à la réparation intégrale de son dommage au titre de la solidarité nationale ». Cette solution repose sur une application combinée des dispositions relatives à la responsabilité pour faute et celles régissant l’intervention de l’organisme public. Le juge vérifie que les critères de gravité et d’anormalité sont remplis pour justifier l’intervention du fonds d’indemnisation des accidents médicaux.
B. La répartition de la charge indemnitaire entre l’établissement et l’Office
La charge finale de l’indemnisation est répartie entre les deux débiteurs en fonction de l’ampleur de la chance perdue par la victime d’échapper au dommage. L’indemnité due par l’organisme doit être « réduite du montant de l’indemnité mise à la charge de l’établissement » responsable de la perte de chance. La Cour procède à une évaluation détaillée de chaque poste de préjudice, qu’il soit patrimonial ou extra-patrimonial, avant de prononcer la condamnation. Cette méthode garantit une indemnisation totale à l’ayant droit tout en respectant les limites de la responsabilité encourue par le service public hospitalier.