La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 26 septembre 2025, une décision relative à la charge de la preuve en matière de fiscalité professionnelle. Une contribuable exerçant une activité d’agent commercial contestait des suppléments d’impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée après une vérification de comptabilité. Le tribunal administratif de Nîmes avait initialement rejeté sa demande par un jugement du 9 novembre 2022 avant que l’affaire ne soit portée devant les juges d’appel. La requérante soutenait que l’administration avait sous-évalué ses charges professionnelles et que les pénalités pour « manquement délibéré » étaient totalement injustifiées faute d’intention frauduleuse. Le juge administratif devait ainsi déterminer si des allégations de réalisme économique permettent de pallier l’absence totale de documents comptables ou de pièces justificatives probantes. La cour confirme le rejet de la requête en rappelant la rigueur des obligations qui incombent au redevable souhaitant bénéficier de déductions fiscales. Ce commentaire analysera d’abord l’exigence de justification des charges professionnelles (I), avant d’étudier les conséquences procédurales et répressives découlant de la carence comptable (II).
I. L’exigence d’une justification matérielle des dépenses professionnelles
A. La subordination de la déduction à la production de pièces probantes
Selon l’article 93 du code général des impôts, le bénéfice imposable est constitué par « l’excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l’exercice de la profession ». La juridiction administrative rappelle qu’il appartient au contribuable de justifier la réalité ainsi que le caractère professionnel de chaque somme dont il sollicite la déduction. En l’espèce, la requérante produisait des tableaux récapitulateurs et des factures éparses sans lien clairement établi avec son exploitation commerciale ou ses divers déplacements professionnels. La cour juge alors que ces éléments ne permettent pas d’établir l’étendue du droit à déduction, faute d’identification précise de chaque charge initialement déclarée litigieuse. Le juge rejette ainsi l’argumentation fondée sur une appréciation forfaitaire des dépenses réelles qui auraient été engagées par l’agent commercial durant les exercices vérifiés. Cette rigueur dans l’administration de la preuve documentaire s’étend naturellement à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour les professionnels assujettis.
B. L’interprétation rigoureuse du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée
Concernant la taxe sur la valeur ajoutée, l’article 271 du code général des impôts conditionne la déduction à la possession de factures régulièrement établies par les fournisseurs. La cour se réfère explicitement à la jurisprudence européenne pour préciser que la seule méconnaissance des mentions obligatoires ne saurait entraîner la déchéance du droit. Toutefois, l’assujetti doit toujours établir que les conditions de fond sont remplies en produisant des documents permettant de déterminer l’étendue précise de sa créance fiscale. Dans cette affaire, la requérante invoquait inutilement un principe de « réalisme économique » sans fournir les justificatifs nécessaires pour ses frais de location ou de restauration. Le juge administratif refuse de valider un pourcentage forfaitaire de déduction en l’absence de preuves matérielles du paiement effectif de la taxe en amont. L’absence de preuves matérielles fragilise non seulement le bien-fondé des déductions mais entraîne également une modification substantielle des règles de preuve applicables durant le contentieux.
II. La sanction procédurale et répressive du défaut de comptabilité
A. L’inopérance des vices de forme et l’inversion de la charge probatoire
Le litige met en lumière l’application des articles L. 192 et L. 193 du livre des procédures fiscales relatifs à l’administration de la charge de la preuve. Puisque la requérante n’a présenté aucune comptabilité régulière, il lui incombe de démontrer devant le juge le caractère excessif ou exagéré des impositions mises en recouvrement. La cour écarte par ailleurs le moyen tiré de l’insuffisance de motivation du rejet de la réclamation préalable comme étant strictement inopérant sur la légalité fiscale. En effet, les irrégularités entachant la phase de réclamation ne peuvent influencer la validité de la procédure d’imposition ou le bien-fondé des rappels de droits. Cette solution classique protège la procédure fiscale contre des griefs formels n’ayant aucune incidence directe sur l’établissement de l’assiette de l’impôt contesté par l’intéressée. Au-delà des aspects purement procéduraux, la persistance de négligences graves dans la gestion comptable justifie le recours par l’administration à des sanctions financières de nature répressive.
B. La validation des pénalités pour manquement délibéré face à la négligence caractérisée
L’administration fiscale a appliqué une majoration de 40 % en vertu de l’article 1729 du code général des impôts pour sanctionner des « manquements délibérés » du contribuable. La cour valide cette sanction en soulignant l’absence totale de comptabilité et l’importance répétée des minorations de recettes et de taxes à reverser au Trésor. La requérante ne parvenait pas à justifier la perte fortuite de ses documents par un sinistre réel, faute de déclaration officielle auprès de sa compagnie d’assurance. Le juge relève également que les charges déduites étaient sans commune mesure avec les dépenses réellement supportées pour les besoins exclusifs de l’activité professionnelle vérifiée. Cette sévérité jurisprudentielle illustre la volonté de réprimer l’opacité comptable volontaire lorsque celle-ci favorise une évasion fiscale manifeste au détriment des finances publiques nationales.