La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu, le 30 janvier 2025, un arrêt relatif au droit au séjour des ressortissants étrangers. Un ressortissant étranger, pris en charge par l’aide sociale à l’enfance durant sa minorité, sollicitait la délivrance d’un titre de séjour temporaire. L’administration a opposé un refus fondé sur une contestation de son identité et une intégration jugée insuffisante sur le territoire national.
Le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande d’annulation de ces décisions par un jugement du 3 mai 2023. L’intéressé a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure pour obtenir l’annulation de ce jugement ainsi que des arrêtés préfectoraux. Il soutenait notamment que ses documents d’état civil étaient authentiques et que son parcours de formation justifiait son admission au séjour.
Le litige soulève la question de la force probante des actes d’état civil étrangers face aux doutes émis par l’autorité administrative française. La juridiction doit déterminer si des anomalies formelles mineures permettent de renverser la présomption d’authenticité prévue par le code civil. Elle doit également apprécier les critères de délivrance du titre de séjour pour un jeune majeur suivant une formation qualifiante.
La juridiction d’appel censure le raisonnement administratif en affirmant que les irrégularités relevées ne suffisent pas à établir la fausseté des documents. Elle reconnaît la minorité de l’intéressé lors de sa prise en charge et valide son insertion sociale et professionnelle exemplaire. L’étude de cette solution conduit à analyser la protection de l’état civil étranger avant d’envisager la portée de l’insertion professionnelle.
I. L’encadrement strict de la contestation des actes d’état civil étrangers
La cour administrative d’appel de Toulouse rappelle que la vérification des actes d’état civil étrangers s’effectue selon les conditions du code civil. Les magistrats s’appuient sur l’article 47 de ce code pour définir les limites du contrôle opéré par l’administration sur ces documents.
A. La primauté de la présomption d’authenticité légale
L’arrêt souligne que tout acte d’état civil fait en pays étranger et rédigé dans les formes locales fait foi par principe. L’administration ne peut écarter ce document que si elle établit que l’acte est « irrégulier, falsifié ou que les faits déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Cette règle impose une charge de la preuve pesant initialement sur l’autorité préfectorale qui conteste la validité des pièces produites.
La juridiction précise qu’en cas de contestation, le juge administratif forme sa conviction au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier. Il doit apprécier les conséquences de la production d’un passeport ou d’une carte consulaire dont l’authenticité n’est pas sérieusement contestée. Cette approche globale permet de protéger le droit au séjour des personnes dont l’identité est confirmée par plusieurs sources administratives concordantes.
B. Le rejet des exigences formalistes disproportionnées
Les magistrats écartent les arguments des services de police qui se fondaient sur des anomalies matérielles pour rejeter les documents d’identité. La cour juge que des « anomalies purement formelles » comme un espace superflu ou une faute d’orthographe ne suffisent pas à établir une falsification. Elle refuse de donner une portée excessive à l’absence de numérotation rouge ou de mention de l’imprimerie nationale sur les actes.
La décision relève que les modèles produits par l’administration elle-même ne satisfont pas toujours aux exigences strictes qu’elle prétend imposer aux étrangers. Cette mise en perspective souligne le caractère injustifié des doutes entretenus par la préfecture sur la minorité de l’appelant. La cour restaure ainsi la force probante de l’acte de naissance malgré des imperfections scripturales mineures sans influence sur le fond.
II. La sanction de l’erreur d’appréciation quant à l’insertion du jeune majeur
Après avoir rétabli l’état civil de l’intéressé, la cour administrative d’appel de Toulouse examine les conditions de son insertion en France. Elle exerce un contrôle sur l’appréciation portée par le préfet concernant le caractère réel et sérieux de la formation suivie.
A. La reconnaissance d’un parcours d’apprentissage exemplaire
L’arrêt relève que l’appelant a suivi avec succès des formations en maçonnerie et en taille de pierre sous contrat d’apprentissage. Les rapports de la structure d’accueil et les bulletins scolaires témoignent d’un comportement « respectueux, volontaire et soucieux d’insertion sociale » durant son séjour. Ces éléments factuels contredisent l’analyse de la préfecture qui niait la stabilité des liens privés et l’intégration du jeune majeur.
La juridiction considère que le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant le titre de séjour malgré ces garanties sérieuses. Elle rappelle que l’étranger confié à l’aide sociale à l’enfance doit bénéficier d’un examen global de sa situation personnelle. La persévérance dans l’apprentissage et l’absence de trouble à l’ordre public constituent ici des facteurs déterminants pour la régularisation.
B. L’injonction de délivrance du titre de séjour temporaire
L’annulation des arrêtés préfectoraux entraîne l’obligation pour l’administration de délivrer un titre de séjour portant la mention « travailleur temporaire ». La cour précise que cette mesure s’impose « sous réserve d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait » intervenant après l’audience. Cette solution garantit l’effectivité du droit reconnu par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
La portée de cet arrêt réside dans la protection offerte aux anciens mineurs isolés dont le parcours d’intégration est manifeste et documenté. Il limite les possibilités pour l’administration d’opposer des refus de séjour fondés sur des critiques formelles et souvent subjectives de l’état civil. Cette jurisprudence renforce la sécurité juridique des jeunes étrangers engagés dans des formations professionnelles qualifiantes sur le territoire national.