Cour d’appel administrative de Toulouse, le 4 février 2025, n°23TL01273

Par un arrêt rendu le 4 février 2025, la Cour administrative d’appel de Toulouse précise les conditions d’octroi de la protection fonctionnelle. Un enseignant sollicitait cette mesure suite à des agissements de harcèlement moral imputés à une collègue et à des tensions professionnelles. L’agent alléguait des atteintes répétées à sa vie privée, notamment la divulgation de son orientation sexuelle par une autre enseignante. Cette dernière avait d’ailleurs fait l’objet d’une condamnation civile définitive pour ces comportements regrettables commis plusieurs années auparavant. L’autorité académique compétente ayant refusé le bénéfice de la protection, l’intéressé a saisi le tribunal administratif de Montpellier. Les premiers juges ayant rejeté sa demande par un jugement du 31 mars 2023, le requérant a interjeté appel devant la cour. La persistance de tensions au sein d’une équipe pédagogique suffit-elle à caractériser un harcèlement moral ouvrant droit à la protection fonctionnelle ? La juridiction d’appel répond par la négative en soulignant l’absence de matérialité des faits répétés imputables à l’administration ou aux collègues. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation rigoureuse du harcèlement moral (I) avant d’étudier les limites de l’obligation de protection fonctionnelle (II).

I. La caractérisation rigoureuse du harcèlement moral

A. L’exigence de matérialité et de répétition des agissements

Le juge administratif rappelle que le harcèlement suppose des « agissements répétés » ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail. En l’espèce, les faits de divulgation de la vie privée, bien qu’établis, ne présentaient plus un caractère de répétition actuel. La Cour souligne que pour « regrettables que soient ces agissements », il n’est pas démontré qu’ils aient ensuite perduré au sein de l’établissement. L’absence de nouveaux éléments probants imputables à la collègue empêche ainsi de retenir une situation de harcèlement moral au sens légal.

B. L’exclusion des actes non imputables à l’administration

Le requérant invoquait également des dégradations matérielles et la réception de lettres anonymes à caractère injurieux pour étayer sa demande. Toutefois, les juges relèvent que ces actes, « dont les auteurs ne sont pas connus », ne peuvent être juridiquement imputés à la collègue visée. Ils ne traduisent pas davantage un dénigrement généralisé de la part de l’institution scolaire ou de l’ensemble de l’équipe pédagogique concernée. La Cour estime que ces évènements isolés ne permettent pas de caractériser une hostilité institutionnelle justifiant une mesure d’éloignement spécifique.

II. Les limites de l’obligation de protection fonctionnelle

A. L’épuisement de l’obligation par une protection antérieure

L’administration avait déjà accordé la protection fonctionnelle à l’agent lors des faits initiaux pour soutenir son action judiciaire contre sa collègue. La Cour estime « qu’il n’y avait pas lieu d’accorder de nouveau une protection fonctionnelle » pour des faits identiques déjà couverts par l’institution. L’obligation de protection vise à faire cesser les attaques, ce que les mesures d’éloignement et de changement d’affectation avaient déjà permis. Le juge administratif confirme ainsi que l’administration a rempli son devoir de protection par des décisions antérieures adaptées à la situation.

B. L’autonomie de la souffrance psychique

Le requérant faisait état d’un syndrome dépressif réactionnel qu’il estimait lié directement à ses conditions de travail et à l’inaction administrative. Le juge précise que « l’imputabilité au service d’une pathologie psychique » ne suffit pas, en soi, à caractériser légalement des faits de harcèlement. Cette distinction fondamentale préserve la spécificité du harcèlement moral, lequel nécessite des agissements fautifs identifiés et non une simple dégradation relationnelle. L’arrêt confirme donc le rejet de la requête, l’administration n’ayant pas fait une inexacte application de ses obligations légales de protection.

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Hassan KOHEN
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